Bibliothèque de droit privé - Tome 604 - L'impartialité de l'arbitre - 376

358

L'IMPARTIALITÉ DE L'ARBITRE

A. L'IGNORANCE JUSTIFIABLE DU RISQUE DE PARTIALITÉ,
LE MOTIF LÉGITIME PAR EXCELLENCE
454.  L'ignorance non fautive de l'existence de la circonstance donnant naissance au risque de partialité constitue indéniablement un motif légitime pour ne
pas avoir protesté contre un risque de partialité254. C'est, en tout cas, le principal
argument avancé par les plaideurs255. Ainsi, il ne peut y avoir renonciation lorsque
le risque de partialité est révélé par la sentence256. La non-participation à la procédure arbitrale peut également constituer un motif légitime empêchant la caractérisation de la renonciation. C'est, du moins, ce qu'un arrêt récent de la Cour
d'appel de Paris a jugé après avoir énoncé que « la renonciation d'une partie à
soulever une irrégularité doit s'apprécier au vu de son comportement au cours de
la procédure d'arbitrage »257.
Il est à noter que par rapport aux autres griefs englobés par l'article 1466
CPC, l'excuse de l'ignorance est particulièrement fréquente en matière d'impartialité, car la personne des arbitres ne fait pas partie de l'objet du litige et n'a pas
vocation à être discutée par les parties.
B. LA CRAINTE DE FROISSER L'ARBITRE,
UN MOTIF LÉGITIME ?
455.  La crainte d'une partie de froisser l'arbitre par sa demande de récusation peut-elle constituer un motif légitime l'autorisant à différer la mise en cause
de l'impartialité de l'arbitre après le prononcé de la sentence ? En vue de donner
quelques éléments de réponse à cette question (2), il convient de bien cerner les
termes du problème (1).
254. CA Paris, 30  oct.  2012, Nykcool, préc. : « [L]e Règlement d'arbitrage ne saurait [...]
avoir pour effet de priver une partie de la faculté d'invoquer une cause de récusation dont elle
n'aurait eu connaissance que postérieurement à l'expiration du délai de quinze jours à compter de
la date de départ de l'instance arbitrale » ; CA Paris, 21  févr. 2012, État du Cameroun c. SPRL
Projet Pilote Garoube, préc. : « [L]'ignorance d'une cause de récusation pendant cette procédure ne
saurait avoir pour effet de priver une partie de la faculté de l'invoquer ultérieurement devant le juge
de la régularité de la sentence [...] nonobstant les règles procédurales de récusation fixées, le cas
échéant, par le règlement d'arbitrage » ; CA Paris, 16 déc. 2010, SAS Nidera France c. Sté Leplatre,
préc. : « Considérant que dans l'ignorance de l'existence d'une cause de récusation au moment de
la désignation du tribunal arbitral, une partie est fondée à l'invoquer ensuite pour en demander
l'annulation ».
255. À proprement parler, la vérification de l'ignorance ou de la connaissance du risque de
partialité n'est pas une question de motif légitime, mais renvoie plutôt à la vérification de la condition
de la connaissance qui est une condition de la renonciation (et dont l'examen est, en principe, préalable
à l'examen de la question de la protestation). Cela dit, étant donné que la jurisprudence récente
présume la connaissance, l'ignorance du risque de partialité est devenue de facto le motif légitime par
excellence pour justifier l'absence de protestation.
256. Cass. 1re civ., 24 mars 1998, Excelsior, préc. : « [C]ette déloyauté de l'un des arbitres lié à
l'une des parties, - fait révélé par la sentence, de sorte qu'il ne pouvait être induit du défaut de
récusation de cet arbitre par la société UGC-PH une renonciation à invoquer cette irrégularité  - avait
créé un déséquilibre entre les parties ».
257. CA Paris, 11  sept.  2018, Subway, n° 16/19913, D.  2018, p.  2448, obs.  Th.  Clay ;
AJ  Contrat  2018, p.  491, obs.  J. Jourdan-Marques ; CA Paris, 21  mai 2019, X. c. Sté Subway
International BV, n° 17/07210, Rev.  arb.  2019, p.  625. Il est à noter que le grief en cause était
l'incompétence du tribunal arbitral et que la partie avait refusé de participer à l'arbitrage au motif
qu'elle n'en avait pas les moyens.
V. aussi CA Paris, 14 mai 2019, Th. Ehrmann c. P. Billon, n° 17/06397, Rev. arb. 2019, p. 621
selon lequel l'article 1466 CPC « n'est opposable qu'à celui qui a participé activement à l'arbitrage ».

978-2-275-07838-0__DOCFILE__978-2-275-07838-0_corpus.indd 358

30/06/2020 10:55:37
Bibliothèque de droit privé - Tome 604 - L'impartialité de l'arbitre

Table des matières de la publication Bibliothèque de droit privé - Tome 604 - L'impartialité de l'arbitre
