Bibliothèque de droit privé - Tome 604 - L'impartialité de l'arbitre - 64

L'IMPARTIALITÉ DE L'ARBITRE

Quand la partialité est involontaire ou inconsciente, elle peut ne pas apparaître
au grand jour, car l'arbitre partial peut rester inactif pendant la procédure arbitrale
de sorte que sa partialité n'ait pas l'occasion de se manifester pendant celle-ci. Si
cette partialité se manifeste dans le délibéré, elle ne sera connue que par les autres
arbitres (à supposer qu'ils soient aptes à la déceler) et restera en principe inconnue
des parties qui, seules, peuvent contester l'impartialité d'un arbitre. Toutefois, il
semble plus probable de détecter la partialité involontaire que la partialité volontaire, car dans la première hypothèse, l'arbitre n'essaie pas de la masquer.
44. Caractère souvent équivoque des actes de l'arbitre considérés par une partie comme révélant la partialité. Les comportements humains n'ont pas toujours
une signification univoque. Cette équivocité s'explique par le fait que diverses
raisons ont souvent vocation à expliquer un même acte. Une personne peut faire
un compliment à une autre parce que cette dernière le mérite, parce que la première est hypocrite ou pour ces deux raisons.
Les actes de l'arbitre considérés par une partie comme révélant une partialité sont également souvent équivoques en ce sens que des raisons objectives ou
justes peuvent éventuellement expliquer ou justifier ces actes. L'exemple le plus
évident est celui de la sentence. Ne pouvant pas commettre le déni de justice
- qui constituerait en même temps un manquement à ses obligations contractuelles découlant du contrat d'arbitre -, l'arbitre doit prendre position dans sa
sentence et donner gain de cause à l'une des parties. La partie perdante, estimant avoir raison sur le fond, aura peut-être le sentiment que le rejet de ses
prétentions trouve sa raison dans la partialité de l'arbitre. En réalité, un tel rejet
pourrait très bien s'expliquer par le fait que les prétentions de la partie perdante
étaient simplement mal-fondées5.
Plus généralement, le devoir de l'arbitre de résoudre le litige et d'identifier la
vérité judiciaire lui impose de prendre des actes pouvant être préjudiciables à
l'une des parties. Si nous pouvons comprendre que cette partie puisse considérer
que ces actes sont motivés par un état d'esprit partial, ce point de vue ne sera pas
nécessairement partagé par un tiers raisonnable qui pourra n'y voir que l'exercice
de la fonction juridictionnelle. Ainsi, le fait qu'un arbitre pose des questions uniquement à l'une des parties peut être interprété par cette partie comme un acharnement contre elle, mais peut également être considéré comme un moyen efficace
d'établir des faits pertinents pour la résolution du litige. L'office de l'arbitre
- interprété de manière raisonnable - lui permet, en effet, d'accomplir les actes
nécessaires à la découverte de la vérité même si, bien entendu, cet office peut être
instrumentalisé pour servir la partialité de l'arbitre6.
45. Annonce. Il existe trois catégories d'actes qu'il convient d'étudier séparément (car chaque catégorie présente des problématiques distinctes) : le manquement à l'obligation de révélation (Section 1), les comportements de l'arbitre
durant l'instance arbitrale (Section 2) et, enfin, la sentence (Section 3).
camoufler sa partialité. Il ne doit donner que les motifs de sa décision, non les motifs de ses motifs ».
5. Nous nous apercevons ici de la difficulté de la mission de tout juge. Celle-ci commande qu'il
soit impartial sans demeurer neutre. Ces deux notions, parfois confondues, doivent être distinguées. Si
la neutralité empêche de prendre parti et commande de rester passif, le jugement impartial oblige de
prendre parti, mais cette prise de position doit être fondée sur des raisons objectives. Sur la distinction
entre impartialité et neutralité, V. supra n° 12.
6. Sur l'office de l'arbitre, V. infra n° 83 et 89-83.

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