Bibliothèque de droit privé - Tome 604 - L'impartialité de l'arbitre - 99

L'impartialité de l'arbitre évaluée à partir de ses actes

récusation en acceptant que l'arbitre se « défende » et critique éventuellement la
partie l'ayant attaqué « injustement » (qui aurait « cherché » ou provoqué la
réponse sèche de l'arbitre)157.
Si cette approche reconnaît la légitimité de la volonté de l'arbitre de protéger
son honneur et sa réputation158, elle ne devrait pas dispenser pour autant l'arbitre
de ses devoirs d'impartialité et de réserve159. Le moyen, pour l'organe d'évaluation
de l'impartialité, de réaliser l'équilibre entre le droit des parties à l'impartialité de
l'arbitre et le droit de réponse de ce dernier semble résider dans la contextualisation de la réponse de l'arbitre en vérifiant sa proportionnalité par rapport à la
critique de la partie.
97. Illustrations jurisprudentielles. Dans une affaire tranchée par le président du Conseil administratif du CIRDI, l'arbitre - après s'être prononcé
sur les différentes circonstances mentionnées dans la demande de récusation
dirigée contre lui - avait mis en cause l'éthique du conseil de l'une des parties
(pour utilisation d'informations supposées confidentielles) dans ces termes :
« [...] the real ethical question seems to lie with Dechert's submissions and the
handling of confidential information. [...] Dechert is in the knowledge of such
correspondence as counsel for Bolivia, but it does not seem appropriate or
ethically justified that this information be now used to the advantage of a different client of Dechert »160.
157. Pour justifier cette tolérance à l'égard d'éventuels excès de l'arbitre, il est possible de
considérer que l'éventuelle partialité pouvant découler de la réponse musclée de l'arbitre à la mise
en cause de son impartialité ne concerne que le litige sur son impartialité et non le « litige de
fond ».
158. Ainsi, le Tribunal fédéral suisse a admis qu'un arbitre puisse « défendre » sa sentence contre
les attaques d'une partie lorsque son impartialité est contestée. Dans cette hypothèse, « l'arbitre
nommément mis en cause doit pouvoir se défendre, par le truchement de l'institution d'arbitrage qui l'a
désigné, contre des attaques susceptibles de porter atteinte à sa personnalité, en particulier à son honneur
professionnel » (Trib. féd. suisse, 29 oct. 2010, Alejandro Valverde Belmonte c. Comitato olimpico
nationale italiano (CONI), Agence mondiale antidopage (AMA) et Union cycliste internationale (UCI),
préc., cons. 2.2).
159. V. Practice Guideline 8 of the Chartered Institute of Arbitrators : Guidelines for Arbitrators
who Receive Notice of Arbitration Applications to the Court (disponible sous https://www.ciarb.org/
media/4169/2011-notices-of-arbitration-applications-to-the-court.pdf ; consulté le 15 juin 2020) :
« 5.1 [...] a wise arbitrator will exercise some caution before deciding to respond to criticisms of his
conduct of the arbitration made by a party [...]
5.2 [...] In a few cases the arbitrator may see the need to intervene to protect his reputation where it
might be damaged by inaccurate statements made by one or both parties to the Court. [...] The cardinal
rule is to respond only where this is absolutely necessary, do so objectively and confine any response to
statements which can be verified from the contemporary documents ».
Ces conseils ne concernent pas seulement l'hypothèse de la mise en cause de l'impartialité, mais
aussi toutes les hypothèses où les actes de l'arbitre sont critiqués. Sur cette question, V. S. Besson,
« Role of Arbitrators and Arbitral Institutions in Subsequent Court Proceedings », préc., p. 99-100.
V. aussi K. Nowrot et E. Sipiorski, « Approaches to Arbitrator Intimidation in Investor-State
Dispute Settlement : Impartiality, Independence, and the Challenge of Regulating Behaviour », The
Law & Practice of International Courts and Tribunals 2018, p. 178, spéc. p. 193-194.
Comp. CEDH, 16 sept. 1999, Buscemi c. Italie n° 29569/95, § 67 : « La Cour souligne avant tout
que la plus grande discrétion s'impose aux autorités judiciaires lorsqu'elles sont appelées à juger, afin
de garantir leur image de juges impartiaux. Cette discrétion doit les amener à ne pas utiliser la presse,
même pour répondre à des provocations. Ainsi le veulent les impératifs supérieurs de la justice et la
grandeur de la fonction judiciaire ».
160. CIRDI (Prés. du Cons. adm.), 13 déc. 2013, Burlington Resources Inc. v. Republic of
Ecuador, n° ARB/08/5, JDI 2014, chron. 2, p. 231, spéc. p. 305, obs. B. Rémy, § 79.

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