Hors collection - Règlement de l'Assemblée nationale commenté - 150

5 566 avait été examinés à l'issue de soixante- quinze heures de travaux. Dans de telles circonstances, le
Conseil constitutionnel, qui n'a pas été saisi de ce texte, aurait peut- être admis en l'espèce l'exception
prévue par l'article 90.
De son côté, l'article 91 rappelle le délai constitutionnel de six semaines à compter du dépôt ou de
quatre semaines à compter de sa transmission avant qu'un projet ou une proposition de loi ne puisse
être discuté en séance (art. 42 C). Ajoutés par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, ces délais
visant à permettre à l'Assemblée nationale de disposer d'un temps raisonnable pour examiner les textes
déposés par le gouvernement ne sont toutefois pas applicables aux projets relatifs aux états de crise
(état de siège, état d'urgence, régime d'état d'urgence sanitaire...). Ils sont également écartés lorsque la
procédure accélérée a été engagée par le Premier ministre (art. 45 C). Or, tous les projets de loi relatifs
à l'état d'urgence sécuritaire ont été adoptés en quelques jours (loi du 20 nov. 2015 relative à l'état
d'urgence), tout comme les projets de loi sur l'état d'urgence sanitaire (de la loi du 23 mars 2020 pour
faire face à l'épidémie de Covid-19 à celle n° 2021-1465 du 10 nov. 2021 portant diverses dispositions
de vigilance sanitaire). Sans que ce recours puisse être qualifié de droit commun, l'exécutif use très
largement de la procédure accélérée puisque, sous la xve
législature, elle a été déclarée à 176 reprises.
L'article 91 organise ensuite la procédure en séance en rappelant l'ordre de passage des protagonistes
de la discussion. Ainsi celle- ci s'engage- t-elle par l'audition, non obligatoire, du gouvernement à laquelle
succède la présentation du rapport de la commission saisie au fond puis, le cas échéant, l'audition du
ou des rapporteurs des commissions saisies pour avis. Si aucune limitation n'est prévue pour l'intervention
du gouvernement, le rapporteur dispose de dix minutes maximum, sauf décision contraire de la
Conférence des présidents. Cette discussion a pour objet de présenter le texte dans les grandes lignes
et de défendre son bien- fondé.
Motion de rejet préalable. Dans l'intervalle, l'opposition peut déposer une motion de rejet préalable
« dont l'objet est de faire reconnaître que le texte proposé est contraire à une ou plusieurs dispositions
constitutionnelles ou de faire décider qu'il n'y a pas lieu de délibérer » (art. 91). Les deux catégories de
motion existantes auparavant, l'exception d'irrecevabilité et la question préalable, ont été fusionnées
par la résolution du 27 mai 200933
. Celle- ci a réduit, par ailleurs, le temps de discussion des signataires
en défense de la motion qui ne peut excéder quinze minutes, sauf décision contraire de la Conférence
des présidents, et deux minutes pour un orateur de chaque groupe politique. Le gouvernement et le
président ou le rapporteur de la commission saisie au fond sont également invités à s'exprimer, sans
limitation de temps. Ces motions étant des tentatives d'obstruction de l'opposition, la majorité cherche
plutôt à réduire au maximum le temps de discussion afin de reprendre la lecture du texte. La motion est
présentée avant l'ouverture de la discussion générale. C'est l'occasion de mobiliser certains principes
constitutionnels, tel celui d'incompétence négative fréquemment invoqué par l'opposition34
motion de rejet préalable peut être mise aux voix.
. Une seule
33. Cons. const., 25 juin 2009, n° 2009-581 DC, Résolution tendant à modifier le Règlement de l'Assemblée nationale. Le rapporteur
du texte justifiait la fusion en soulignant que les deux procédures avaient les mêmes effets : « L'exception d'irrecevabilité, qui a pour
objet de faire reconnaître que le texte proposé est contraire à une ou plusieurs dispositions constitutionnelles, et la question préalable,
qui a pour objet de faire décider qu'il n'y a pas lieu à délibérer, sont deux motions dont l'adoption a pour conséquence le rejet du
texte soumis à l'Assemblée. Pour cette raison, il est proposé de les réunir en une seule motion : la motion de rejet préalable » (doc.
AN n° 1630 ; 30 avr. 2009, p. 178). Toutefois, si l'effet était effectivement identique, l'objet des deux procédures était bien différent.
34. Récemment, des motions ont été présentées par l'opposition afin de marquer les atteintes de projets ou de propositions de loi
aux libertés fondamentales : ce fut le cas pour la loi n° 2021-646 du 25 mai 2021 pour une sécurité globale ou encore pour la loi
n° 2020-856 du 9 juill. 2020 organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire.
150 · RÈGLEMENT DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE COMMENTÉ

Hors collection - Règlement de l'Assemblée nationale commenté

Table des matières de la publication Hors collection - Règlement de l'Assemblée nationale commenté