Hors collection - Règlement de l'Assemblée nationale commenté - 157

a en effet posé la règle de l'« entonnoir » en se fondant, à partir d'une décision n° 1985-199 DC du
28 décembre 1985, sur les articles 39 et 44 C : les adjonctions ou modifications apportées au texte
ne sauraient être sans lien avec celui- ci. Le Conseil fut amené, dans la décision n° 1989-251 du
12 janvier 1989, à censurer deux articles de la loi déférée après avoir confronté les dispositions contestées
à l'intitulé, à l'exposé des motifs et au dispositif du projet de loi. Après une lecture souple du « lien direct »
avec le texte, il durcit sa jurisprudence à partir des années 2000 en considérant désormais que « le droit
d'amendement qui appartient aux membres du Parlement et au gouvernement doit pouvoir s'exercer
pleinement au cours de la première lecture des projets et des propositions de loi par chacune des deux
assemblées ; il ne saurait être limité, à ce stade de la procédure et dans le respect des exigences de clarté
et de sincérité du débat parlementaire, que par les règles de recevabilité ainsi que par la nécessité, pour
un amendement, de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la
première assemblée saisie »49
. Sans limiter le nombre d'amendements en pratique, cette jurisprudence
a été en partie constitutionnalisée par la révision du 23 juillet 2008 qui modifia l'article 45 C selon lequel
« tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect,
avec le texte déposé ou transmis » (idem art. 98). Le constituant a donc limité les exigences du Conseil
en remplaçant l'exigence d'un lien direct par celui même indirect.
En séance publique, la recevabilité est appréciée lors du dépôt par le président, après consultation éventuelle
du président de la commission saisie au fond. Alors qu'aucune compétence n'était explicitement
attribuée par le Règlement au président de la commission saisie au fond (contrairement au Règlement du
Sénat qui le prévoit aux alinéas 8 et 9 de l'article 48), il était de coutume de l'admettre en se fondant sur
l'article 41 RAN qui prévoit que « le président de chaque commission organise les travaux de celle- ci ».
La présidente de la commission des lois a ainsi pu déclarer irrecevables 42 amendements au projet de
loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la Justice et au projet de loi organique relatif au
renforcement de l'organisation des juridictions, dont 25 au titre de l'article 45, sur les 981 amendements
qui avaient été déposés. La présidente a rappelé, à cette occasion, que « chacun de leur auteur a reçu une
notification indiquant les motifs de cette irrecevabilité » (compte rendu de la réunion de commission du
7 nov. 2018). Le contrôle a donc été durci en fonction d'un accord tacite entre certains membres de la
commission des lois, chacune des commissions permanentes suivant sa propre doctrine. Il conviendrait
que des lignes directrices soient rappelées par le président de l'Assemblée afin d'imposer, en la matière,
une uniformisation des travaux en commission.
L'un des motifs d'inconstitutionnalité soulevé par les députés auteurs d'une saisine du Conseil constitutionnel
a porté sur le caractère « arbitraire » de ces décisions d'irrecevabilité, qui auraient porté atteinte
aux droits de l'opposition et n'étaient pas toutes « motivées » ni susceptibles de recours. Les moyens
invoqués se fondaient notamment sur la méconnaissance des exigences de clarté et de sincérité du
débat parlementaire ainsi que sur le droit d'amendement garanti par l'article 44 C. Les juges ont rejeté
en faisant valoir qu'« il ne résulte pas des travaux parlementaires que les amendements déposés par les
députés appartenant à des groupes d'opposition aient fait l'objet d'un traitement différent des autres
amendements » puisque « des amendements du gouvernement et de députés du groupe majoritaire
ont été déclarés irrecevables, en commission et en séance, sur le même fondement » et qu'« aucune
exigence constitutionnelle n'impose la motivation des décisions d'irrecevabilité prononcées à ce titre
par les instances parlementaires, pas davantage que l'existence d'un recours au sein de l'assemblée en
cause »50
. Afin de sécuriser la pratique, la résolution du 4 juin 2019 a modifié l'article 98 qui prévoit
49. Cons. const., 19 janv. 2006, n° 2006-532 DC.
50. Cons. const., 21 mars 2019, n° 2019-778 DC et 2019-779 DC.
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