Hors collection - Règlement de l'Assemblée nationale commenté - 161

Cette procédure engendre deux conséquences principales. D'une part, le projet ou la proposition de
loi n'est soumis qu'à une seule lecture dans chacune des deux chambres, avant que, le cas échéant,
la commission mixte paritaire ne soit convoquée. La navette est donc limitée à une seule transmission
entre les chambres. D'autre part, les délais de l'article 42 alinéa 3 garantissant aux parlementaires de
meilleures conditions d'examen des textes ne sont pas applicables, l'inscription du texte à l'ordre du jour
de l'Assemblée pouvant intervenir avant les six semaines après le dépôt ou avant les quatre semaines à
compter de sa transmission. Le Conseil constitutionnel s'est opposé à une modification du Règlement, en
2014, qui prévoyait le maintien des délais minimums prévus par l'article 42 alinéa 3, limitant la procédure
accélérée à l'obligation de ne procéder qu'à une seule lecture57
.
Le gouvernement informe le président de l'Assemblée nationale lors du dépôt du projet de loi ou, s'il
s'agit d'une proposition de loi, au plus tard lors de son inscription à l'ordre du jour58
. Selon le Conseil
constitutionnel, ces dispositions « permettent au gouvernement postérieurement à ce dépôt, de faire
part à tout moment de sa décision d'engager une telle procédure, dès lors que les deux conférences
des présidents sont en mesure, avant le début de l'examen du texte en première lecture, d'exercer la
prérogative que leur reconnaît l'article 45 de la Constitution »59
. En effet, afin d'éviter un recours trop
systématique à cette procédure, comme c'était le cas pour la déclaration d'urgence à laquelle la procédure
accélérée s'est substituée depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, la Constitution
prévoit que la Conférence des présidents des deux chambres parlementaires peut s'y opposer conjointement.
L'article 102 énonce que le président de l'Assemblée avise immédiatement le gouvernement et
le président du Sénat de l'opposition de la Conférence des présidents. Lorsque le Sénat a été le premier
à manifester son opposition, le président de l'Assemblée réunit sans délai la Conférence des présidents
qui peut s'opposer à la procédure accélérée « jusqu'à la clôture de la discussion générale en première
lecture devant la première assemblée saisie » (art. 102 al. 3). La procédure accélérée n'est pas engagée
en cas d'opposition conjointe des Conférences des présidents des deux assemblées avant la clôture de
la discussion générale.
Si l'on a pu penser un temps que ce droit d'opposition limiterait l'engagement de la procédure accélérée
par le gouvernement qui aurait pu craindre un refus des deux Conférences des présidents, les xive
xve législatures ont vu augmenter le nombre de recours à cette procédure : 65 % des lois adoptées sous
législature et 75 % entre 2017 et 2019, donc 97 % des projets de loi pendant la session 2017la
xive
2018. Depuis juin 2017, la procédure accélérée a concerné 169 des quelque 200 textes définitivement
adoptés, soit près de 85 % des textes. Pour des textes d'envergure, de tels délais ne permettent pas au
Parlement de travailler sereinement : « le texte du projet de loi sur la confiance dans l'institution judiciaire
a été déposé le 14 avril 2021, examiné en commission à partir du 4 mai, puis en séance publique dès le
18 du même mois. Il n'est pas aisé, loin de là, de travailler dans des délais aussi restreints sur un texte
parlementaire, lire J. benetti, « " Réduire le temps législatif " : d'une surprenante " prière " présidentielle passée quasiment inaperçue »,
Constitutions 2016, p. 45-47. Plus récemment encore, le président Macron déclarait que « le rythme de conception des lois doit
savoir répondre aux besoins de la société. Il est des situations d'urgence que le rythme propre au travail parlementaire ne permet
pas de traiter suffisamment vite (...) il faut qu'au temps long du travail législatif (...) soit ajouté la faculté d'agir vite. Ainsi, la navette
pourrait être simplifiée, je pense même que vous devriez pouvoir dans les cas les plus simples voter la loi en commission » (É. maCron,
Discours du président de la république devant le Parlement réuni au Congrès, 3 juill. 2017).
57. Cons. const., 11 déc. 2014, n° 2014-705 DC.
58. Dans sa décision n° 2012-649 DC du 15 mars 2012, Loi relative à la simplification du droit et à l'allègement des démarches
administratives, le Conseil constitutionnel a considéré qu'« aucune disposition constitutionnelle n'impose au gouvernement de
justifier l'engagement de la procédure accélérée ».
59. Cons. const., 25 juin 2009, n° 2009-582 DC.
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