Hors collection - Règlement de l'Assemblée nationale commenté - 244

particulières de l'espèce, il n'y a pas lieu de juger que cette loi organique a été adoptée en violation
des règles de procédure prévues à l'article 46 de la Constitution »185
. Le juge constitutionnel statue ici
contra legem sans autre justification que les circonstances particulières de l'espèce alors même que
le constituant n'a pas entendu écarter ce délai en cas d'urgence. Il aurait pu s'efforcer de justifier sa
décision en s'appuyant sur le dernier alinéa de l'article 42 C aux termes duquel les délais ne s'appliquent
pas « aux projets relatifs aux états de crise ».
Procédure. Les lois organiques ressortissent principalement de la procédure législative ordinaire, sous
réserves de quelques règles spécifiques. L'alinéa 5 de l'article 127 énonce ainsi que « les projets et
propositions de loi organique sont examinés, discutés et votés selon la procédure législative prévue
par la première partie du présent titre, sous réserve des dispositions de l'article 46, alinéas 3 et 4, de
la Constitution et du présent article. Ils ne peuvent faire l'objet de la procédure d'examen simplifiée
prévue au chapitre V de la première partie du présent titre ». Il renvoie donc à la première partie du titre,
c'est- à-dire à la procédure législative ordinaire. La spécificité en matière de délai a déjà été évoquée. Une
autre règle propre à la procédure de discussion des lois organiques concerne le dernier mot. L'article 46
alinéa 3 C précise que « la procédure de l'article 45 est applicable. Toutefois, faute d'accord entre les
deux assemblées, le texte ne peut être adopté par l'Assemblée nationale en dernière lecture qu'à la
majorité absolue de ses membres ». Une difficulté est survenue dans la décision du Conseil constitutionnel
du 11 janvier 1990 portant sur la loi organique relative au financement de la campagne en vue
de l'élection du président de la République. Le Conseil constitutionnel était saisi de la loi organique
mais certains des articles de cette loi faisaient référence à des dispositions d'une loi ordinaire, laquelle
avait été déposée sur le Bureau de l'Assemblée nationale en même temps que le projet de loi organique
soumis à l'examen du Conseil. À l'Assemblée nationale, la loi organique a été adoptée en deuxième
lecture sans modifications à main levée. La loi ordinaire fut, en revanche, modifiée et la procédure se
poursuivit jusqu'à l'adoption du texte par l'Assemblée nationale en lecture définitive. Le Conseil constitutionnel
a alors considéré qu'« à défaut d'accord entre l'Assemblée nationale et le Sénat sur le contenu
de dispositions qui, du fait du renvoi opéré par les articles premier et 4, étaient destinées à régir des
matières relevant de la loi organique, l'Assemblée nationale ne pouvait faire prévaloir son point de vue
sur celui du Sénat qu'en statuant en dernière lecture à la demande du gouvernement conformément
au quatrième alinéa de l'article 45 de la Constitution et en se prononçant à la majorité absolue de ses
membres comme l'exige le troisième alinéa de l'article 46 ; (...) que cette dernière formalité, qui revêt
un caractère substantiel, a été méconnue ; que, dès lors, les articles premier et 4 de la loi organique
soumise au Conseil constitutionnel doivent, en raison de la procédure suivie pour leur adoption, être
déclarés non conformes à la Constitution sans qu'il y ait lieu pour le Conseil d'examiner le contenu de
cette loi organique »186
.
Cette règle spécifique soulève une autre difficulté. Elle porte sur la compatibilité entre les articles 46
alinéa 3 C et 49 alinéa 3 C. Dit autrement, la majorité qualifiée exigée pour l'adoption des lois organiques
en dernière lecture peut- elle résulter de la non- adoption d'une motion de censure provoquée ?
Une question écrite a été posée en ce sens le 2 octobre 1989 par le député Bruno Bourg- Broc. Le Premier
ministre a renvoyé au Conseil constitutionnel le soin de se prononcer sur la conformité à la Constitution
185. Cons. const., 26 mars 2020, n° 2020-799 DC, Loi organique d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, § 3.
186. Cons. const., 11 janv. 1990, n° 89-263 DC, Loi organique relative au financement de la campagne en vue de l'élection du
président de la République et de celle des députés, cons. 6 et 7.
244 · RÈGLEMENT DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE COMMENTÉ

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