Hors collection - Règlement de l'Assemblée nationale commenté - 254

guerre dès lors que l'article 35 C disposait sobrement, jusqu'à sa révision en 2008, que « la déclaration
de guerre est autorisée par le Parlement ». Il avait donc pour conséquence de voir le rôle du Parlement
extrêmement limité en matière de politique étrangère aux débats généraux ou d'orientation budgétaire
alors même que ces opérations engagent la France, souvent dans la durée. Symbole de l'inadaptation
de cet article aux réalités des interventions militaires et aux nouvelles formes de conflit dans le monde,
celui- ci n'a jamais été mis en œuvre sous la Ve
République. Dès lors, « la désuétude de l'article 35 [a
.
laissé] le Parlement sans voix constitutionnelle sur les interventions des forces armées à l'étranger »227
En l'absence de solutions constitutionnelles, les interventions militaires hors du territoire avaient donné
lieu à des modalités disparates d'échanges entre le gouvernement et le Parlement. Elles empruntaient
les différentes procédures existantes et ne pouvaient donner lieu à un vote que si le gouvernement
décidait d'engager sa responsabilité sur une déclaration. C'est ainsi que Michel Rocard, Premier ministre,
a décidé d'engager sa responsabilité sur le fondement de l'article 49 alinéa 1 C, le 16 janvier 1991,
sur la participation française à la coalition multinationale à la suite de l'invasion irakienne du Koweït
d'août 1990. Cet épisode demeure une exception dans la pratique institutionnelle de la Ve
C'est surtout l'article 132 du Règlement de l'Assemblée nationale228, qui offre la possibilité au gouverRépublique.
nement
de prononcer une déclaration non suivie d'un vote devant l'Assemblée nationale, qui a été
utilisé. Par exemple, il a été fait usage de cette possibilité le 26 mars 1999, deux jours après le début
des bombardements alliés contre la République fédérale de Yougoslavie, pour évoquer la situation du
Kosovo. Alors même qu'il s'agissait d'une situation caractérisée de combat, l'Assemblée nationale n'a
pas pu se prononcer par un vote. Autre exemple, en 2008, un débat sans vote a suivi la déclaration du
gouvernement sur la situation en Afghanistan. Protestant contre l'absence de vote, les députés socialistes
ont déposé une motion de censure sur le fondement de l'article 49 alinéa 2 C.
Ce constat d'impuissance parlementaire, combiné à l'évolution du coût et de la nature des opérations
extérieures, a conduit à la réalisation de plusieurs rapports et propositions229
afin de renforcer le rôle
du Parlement. Si le rôle du pouvoir exécutif doit demeurer prépondérant, cela doit être combiné avec
la nécessité légitime d'information du Parlement. Cette question figurait parmi les préoccupations du
constituant en 2008 dans une perspective de revalorisation du Parlement. Avant 2008, la question de la
modification de l'article 35 C avait déjà été soulevée. En 1993, le Comité Balladur préconisait dans son
rapport de compléter l'article par un nouvel alinéa : « Toute intervention des forces armées à l'extérieur
du territoire de la République fait l'objet d'une déclaration du Parlement au plus tard huit jours après son
déclenchement. Cette déclaration est suivie d'un débat. Hors session, le Parlement est réuni spécialement
à cet effet ». De nombreuses pistes d'amélioration ont également été formulées par la commission
de la Défense nationale parmi lesquelles une nouvelle rédaction de l'article 35 C230
. Cela a conduit le
constituant à modifier substantiellement l'article 35 C, en 2008. Le premier alinéa sur l'autorisation de
la déclaration de guerre a été complété par trois autres alinéas. Il est désormais rédigé comme suit :
227. Avis fait au nom de la commission des affaires étrangères sur le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions
de la Ve
République, 14 mai 2008, par M. Axel Poniatowski, p. 16.
228. Cet article a été modifié en 2009. Pour aller plus loin, v. infra commentaire art. 132.
229. V. notamment en ce sens : rapport d'information n° 2237 sur le contrôle parlementaire des opérations extérieures, présenté
par M. François Lamy (Assemblée nationale, xie
législature) ; rapport d'information n° 794 sur le bilan des opérations extérieures,
présenté par M. Jacques Gautier (Sénat, 13 juill. 2016).
230. Le rapport préconisait la rédaction suivante : « L'emploi hors du territoire national des forces françaises est soumis à une
consultation préalable du Parlement dans les conditions prévues par une loi organique. La participation de ces mêmes forces à des
opérations de maintien, de rétablissement ou d'imposition de la paix qui n'auraient pas été expressément décidées par le Conseil
de sécurité des Nations Unies ou qui ne résulteraient pas de l'application d'un accord de défense, fait l'objet d'une autorisation
préalable du Parlement ».
254 · RÈGLEMENT DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE COMMENTÉ

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