Hors collection - Règlement de l'Assemblée nationale commenté - 311

relatives au fonctionnement des assemblées parlementaires : le rapporteur d'une commission d'enquête,
dont les conclusions furent rejetées - ce qui a pour conséquence d'empêcher la publication du rapport -,
fut tenté de lancer une pétition en faveur de la publication de son rapport. Il fut rappelé à l'ordre par le
président de l'Assemblée B. Accoyer, qui lui rappela qu'en vertu du dernier alinéa de l'article 6 de l'ordonnance
de 1958, il s'exposait, ce faisant, aux poursuites prévues par l'article 226-13 du Code pénal221
.
Permettre aux députés- mandataires de signer une pétition était également une manière de discipliner
l'exercice de ce droit par les citoyens- mandants222
. Ainsi l'article 147, alinéa 2 (qui
: en effet, « les réglementations dont [le droit de pétition]
a été l'objet rappellent le souvenir de ces séances de la Convention où les pétitionnaires en armes défilaient
à la barre pour présenter leurs doléances à la représentation nationale »223
portait initialement le n° 144 al. 2) constitue- t-il une des rares dispositions du Règlement à n'avoir pas été
modifiée d'une virgule depuis 1959 : « Une pétition apportée ou transmise par un rassemblement formé
sur la voie publique ne peut être reçue par le président, ni déposée sur le bureau ».
L'article 147, alinéa 3 (initialement art. 144 al. 3 dans le Règlement de 1959), qui disposait que « toute
pétition doit indiquer la demeure du pétitionnaire et être revêtue de sa signature », a été remis au goût
du jour par la résolution de 2019. Il précise désormais que les règles - par nature minimales - de recevabilité
des pétitions relèvent d'une décision du Bureau, décision intervenue le 9 octobre 2019. Le dispositif
garantissant l'authentification des signataires et la protection des données personnelles afin d'éviter que
la procédure soit détournée - ou que l'Assemblée détienne des données s'apparentant à des fichiers
politiques - consiste en la mise en place d'une plateforme de pétition propre à l'Assemblée avec une
authentification par FranceConnect224
.
De facto, la signature électronique des pétitionnaires devient la règle, alors que le texte initial de la
proposition de résolution de R. Ferrand, reprenant les conclusions du groupe de travail sur la démocratie
numérique, constitué avec six autres groupes par le Bureau de l'Assemblée nationale le 20 septembre 2017
à l'initiative du président F. de Rugy dans le cadre d'une réforme globale de l'organisation et du fonctionnement
de l'Assemblée, précisait que « le Règlement mentionnerait la possibilité de signer les pétitions
par voie électronique »225
.
Rappelons que, constamment depuis la Révolution française, le droit de pétition n'est pas limité aux
citoyens mais qu'il est ouvert à toute personne majeure, de nationalité française ou résidant régulièrement
en France. Ceux qui veulent le réserver aux électeurs oublient que le droit de pétition était justement ouvert
à ceux qui étaient exclus du droit de suffrage et a toujours été conçu comme un « véritable correctif au
système représentatif »226
.
221. P. avril, J. giCquel, J.-É. giCquel, Droit parlementaire, 6e
éd., LGDJ, 2021, n° 559.
222. Le droit de pétition constituerait alors une sorte d'instruction donnée au député par ses concitoyens, instruction qui, si elle
l'obligeait, pourrait être considérée comme une pratique relevant d'un mandat impératif. V. G. houillon, Le lobbying en droit public,
Bruylant, 2012, p. 464-466.
223. Rapport AN n° 91 fait au nom de la commission spéciale du Règlement chargée de préparer et de soumettre à l'Assemblée
nationale un projet de règlement définitif (rapp. M. Habib- Deloncle), 26 mai 1959, p. 87, JO, doc. AN, 21 mai 1960.
224. FranceConnect est un dispositif, géré par la direction interministérielle du numérique et du système d'information et de communication
de l'État, alimenté par cinq fournisseurs d'identités publiques et privées (dont impots.gouv.fr, ameli.fr et La Poste), et qui
couvre l'essentiel de la population. La plateforme de l'Assemblée ne se voit pas transmettre l'identité du signataire mais seulement
un identifiant. Les conditions dans lesquelles les signatures sont susceptibles d'être ajoutées ou retirées après leur enregistrement
sont précisées sur la plateforme : un cosignataire peut toujours retirer sa signature, sauf le premier - considéré comme l'auteur de
la pétition - à moins d'en être l'unique signataire, afin que la pétition puisse continuer à recueillir d'autres signatures.
225. Proposition de résolution n° 1882 tendant à modifier le Règlement de l'Assemblée nationale, 29 avr. 2019, p. 16.
226. P. Preuvot, « Le droit de pétition : mutations d'un instrument démocratique », Jurisdoctoria, n° 4, 2010.
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