Hors collection - Règlement de l'Assemblée nationale commenté - 34

collective. L'efficacité en dépendait que les députés appartiennent à la majorité ou siègent dans l'opposition.
Pour la clarté du débat public, il était tout simplement inconcevable que des élus défendent au
Parlement des positions différentes de celles avancées par leur parti. Et naturellement, la discipline de
vote matérialisait cette homogénéité.
Peu à peu cependant, ces lois d'airain se sont distendues, favorisant l'éclosion de groupes plus opportunistes.
L'on vit ainsi se constituer des rassemblements de parlementaires adhérents à différents partis. Ce
fut le cas du groupe « République et liberté » en 1993 réunissant des élus de gauche issus du Mouvement
des citoyens de Jean- Pierre Chevènement, de droite comme Jean Royer ou venant des territoires des
outre- mers comme Christiane Taubira alors adhérente du parti guyanais Walwari ou Paul Vergès du
parti communiste réunionnais. De même, en 1997, cinq petites formations de gauche soutenant le
gouvernement de Lionel Jospin choisirent de s'unir dans un « groupe technique » baptisé « Radical, vert
et citoyens ».
Enfin, la dissension qui frappa le « groupe de la République en marche » durant tout le quinquennat
d'Emmanuel Macron favorisa les attelages composites comme le groupe « Agir ensemble » ou le groupe
« Libertés et Territoires ».
Partant, la déclaration politique de ce dernier est éclairante. Après avoir souligné la richesse « des histoires,
des expériences et des origines diverses de ses membres », elle précise surtout que ce groupe « respecte
en toutes circonstances leur identité, ainsi que leur liberté d'expression et de vote ». En fait, inutile de
chercher une quelconque harmonie, il ne s'agit que d'une plateforme conçue pour bénéficier des droits
associés à la constitution d'un groupe.
Droits associés. S'il n'est pas obligatoire d'adhérer à un groupe, s'en priver revient pour un député à
faire le choix de la discrétion. Personne ne pourrait plus écrire comme le faisait Eugène Pierre en 1919
dans son maître ouvrage Traité de droit politique électoral et parlementaire qu'« il n'y a que des membres
qui usent individuellement de leurs droits ». En effet, au fil des législatures, les groupes ont quasiment
monopolisé le débat législatif.
Paradoxalement, si les droits des parlementaires sont individuels, leur exercice ne peut pleinement
s'épanouir que par le truchement du collectif. C'est ce qui se déduit notamment de la première phrase
de l'article 51-1 C qui précise que « le règlement de chaque assemblée détermine les droits des groupes
parlementaires constitués en son sein ».
Ainsi par exemple, même la place d'un député dans l'hémicycle est attribuée par son groupe. Nous
ne sommes plus sous la IIIe
République où les intéressés pouvaient se placer comme ils le souhaitaient.
L'article 22 précise en effet qu'« après la constitution des groupes, le président de l'Assemblée réunit
leurs représentants en vue de procéder à la division de la salle des séances en autant de secteurs qu'il
y a de groupes ». Or cette répartition est parfaitement stratégique, la seule constante étant liée à l'ancienneté
des députés : plus ils sont chevronnés, plus ils siègent vers le bas de l'hémicycle. Inutile pour
un nouvel élu d'imaginer s'installer où il l'espère ! Car comme tous les bancs ne bénéficient pas de la
même exposition médiatique, les places les plus visibles sont très recherchées.
L'axe des huit caméras organise en effet une géographie particulière invisible pour le néophyte. Pour
obtenir d'être assis à proximité du président de groupe très régulièrement mis à l'écran, il faut pouvoir
faire valoir des arguments par essence inaccessibles à ceux qui effectuent leur premier mandat. Et peu
importe si le nouvel élu se fait apprécier par un intense travail législatif puisque les places sont attribuées
pour la totalité du mandat.
34 · RÈGLEMENT DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE COMMENTÉ

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