Hors collection - Règlement de l'Assemblée nationale commenté - 349

b) Spécificités procédurales de l'article 49.3 C. Le Premier ministre peut engager la responsabilité du
gouvernement au moment qu'il juge opportun, dès la présentation du texte ou en cours de débat. Dans
cette dernière hypothèse, l'article 155 précise que le débat est immédiatement suspendu pendant vingtquatre
heures. Les Premiers ministres ont tendance à laisser le débat s'engager pour laisser à la majorité la
possibilité d'adopter ses amendements19
. Dans ce contexte, l'article 95 alinéa 4 permet au gouvernement
de demander la réserve d'un amendement, lui donnant l'opportunité d'en repousser la discussion avant
l'engagement de sa responsabilité ou lorsqu'il est déposé dans un but dilatoire. Une fois la responsabilité
engagée, la discussion est bloquée et il n'est pas possible de revenir sur les dispositions adoptées auparavant.
Le texte sur lequel porte l'engagement peut reprendre des dispositions repoussées. Il peut aussi
contenir des amendements par rapport au projet initial, qu'il s'agisse d'amendements du gouvernement
ou d'amendements d'origine parlementaire que le gouvernement choisit de retenir. Alors que l'Assemblée
nationale n'avait pas dépassé le vote de l'article 8 de la très critiquée réforme sur les retraites, en
février 2020, après plus de cent quinze heures de débat en séance publique, le Premier ministre Édouard
Philippe décida de recourir au 49.3 C, non sans avoir repris, après discussions préalables avec les différents
groupes, plus de 300 amendements20
. Le Premier ministre peut aussi décider de n'engager la responsabilité
que sur une partie du texte, auquel cas la discussion se poursuit normalement sur les autres articles.
L'article 155 prévoit un délai de vingt- quatre heures à compter de l'engagement de la responsabilité
afin de permettre le dépôt d'une motion de censure, dans les conditions prévues par l'article 153, soit
par un dixième des députés (58). Sur les 89 recours à l'article 49 alinéa 3 C, 51 motions de censure ont
été déposées. En l'absence de dépôt d'une motion, le texte est réputé adopté par l'Assemblée nationale
en première lecture. À défaut, un délai de quarante- huit heures est prescrit avant de procéder au vote,
seuls sont recensés les votes favorables. Le gouvernement est porté à la démission en cas d'adoption
de la motion tandis que, si elle est rejetée, le texte est adopté en première lecture. Entre la motion de
censure dite « provoquée » et celle « spontanée » de l'alinéa 2, une différence logique persiste : il n'y a
pas de limites quant au nombre de motions qu'un député peut signer au cours d'une même session pour
répliquer à l'utilisation du 49.3 C. En pratique, une motion de censure est déposée par les membres de
l'opposition, mais aucune n'a été adoptée depuis 1958.
L'article 49 alinéa 3 C n'emporte pas adoption du texte. La navette entre les deux assemblées, prévue
par l'article 45 C, se poursuit normalement, le texte étant envoyé au Sénat. Dès lors, il arrive que le
gouvernement engage sa responsabilité en deuxième lecture devant l'Assemblée nationale puis sur le
vote résultant du texte après convocation d'une commission mixte paritaire, voire plus exceptionnellement
lors de la dernière lecture à l'Assemblée. Pour un projet de loi de finances, le nombre d'engagements
de la responsabilité peut même s'élever à cinq, puisque la première partie consacrée aux recettes et à
l'équilibre général doit être adoptée avant la discussion du détail des crédits, ce qui peut donner lieu,
pour une seule lecture, à deux engagements de responsabilité. Ce fut le cas pour l'adoption du budget
de l'année 1990.
19. Il arrive que le Premier ministre applique l'article 49.3 C avant même que ne s'ouvre la discussion générale. Pierre Mauroy, le
24 juin 1982, intervint aussi après que le ministre de l'Économie eut présenté le projet sur le blocage des prix et des revenus pour
engager la responsabilité du gouvernement. Ce fut également le cas avec Jacques Chirac le 20 mai 1986 (projet rétablissant le
scrutin majoritaire), les 24 juill. et 10 oct. 1986 (projets de loi reprenant les ordonnances sur la privatisation) ou bien encore avec
Jean- Pierre Raffarin le 12 févr. 2003 qui interrompit la discussion générale sur le projet relatif à l'élection des conseillers régionaux et
des représentants au Parlement européen. P. avril, J. giCquel, J.-É. giCquel, Droit parlementaire, 6e
éd., LGDJ, Domat, 2021, p. 403.
20. Le 3 mars 2020, l'Assemblée a rejeté les deux motions de censure déposées par les groupes d'opposition après l'engagement
de la responsabilité du gouvernement sur le projet de loi instituant un système universel de retraite. Le projet de loi a donc été
considéré comme adopté par l'Assemblée nationale.
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