Hors collection - Règlement de l'Assemblée nationale commenté - 357

délits au moment où ils ont été commis. À cette fin, est créée la Cour de justice de la République (CJR)
qui, à la différence de la Haute Cour de justice, est liée par la définition des crimes et délits ainsi que par
la détermination des peines telles qu'elles résultent de la loi. A contrario, les membres du gouvernement
relèvent des juridictions de droit commun pour toutes les infractions commises sans lien avec l'exercice
des fonctions ministérielles. Les membres du gouvernement sont des justiciables ordinaires pour tous les
actes commis sans lien direct avec « la conduite de la politique de la Nation et les affaires de l'État »12
.
Les actes concernés sont donc « ceux qui ont un rapport direct avec la conduite des affaires de l'État
relevant de ses attributions, à l'exclusion des comportements concernant la vie privée ou les mandats
électifs locaux » (Cass. crim., 27 juin 1995, Carignon).
Contrairement au régime précédent, la CJR est compétente pour les seuls ministres, les complices et
co- auteurs étant jugés par les juridictions de droit commun. Cette exception au principe de l'indivisibilité
des poursuites connaît des risques de contradiction jurisprudentielle puisque les procédures devant
les juridictions de droit commun et la CJR sont indépendantes les unes des autres. L'affaire Karachi a
illustré ce risque lorsqu'on compare les sanctions prononcées par la CJR le 4 mars 2021 et celles du
tribunal correctionnel dans sa décision du 15 juin 2020, sur le volet non ministériel de l'affaire13
. Dans
un cas, la CJR a rendu une décision de relaxe concernant l'ancien Premier ministre Édouard Balladur,
poursuivi pour recel de complicité d'abus de biens sociaux, et a condamné son ancien ministre de la
Défense François Léotard à deux ans de prison avec sursis et 100 000 euros d'amende, pour complicité
d'abus de biens sociaux. Dans l'autre cas, le tribunal correctionnel a déclaré les six prévenus coupables
d'abus de biens sociaux, de complicité d'abus de biens sociaux et recel d'abus de biens sociaux et les a
condamnés respectivement à entre deux et cinq ans d'emprisonnement ferme.
Depuis la création de la Cour, la formation de jugement s'est réunie à sept reprises pour juger 10 anciens
ministres (arrêt du 4 mars 2021 (non publié) ; arrêt du 30 septembre 2019 ; arrêt du 19 décembre 2016 ;
arrêt du 30 avril 2010 ; arrêt du 7 juillet 2004 ; arrêt du 16 mai 2000 ; arrêt du 9 mars 1999). En 2021,
quatre affaires sont à l'instruction dont celles relatives aux conditions favorables, décidées par Éric Woerth,
de l'imposition de Bernard Tapie après l'arbitrage de 2008 dans l'affaire Tapie - Crédit lyonnais, l'affaire
concernant Kader Arif, pour prise illégale d'intérêts et atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats
dans les marchés publics, la gestion de la pandémie de Covid-19 par Édouard Philippe, Olivier Véran
et Agnès Buzyn et, enfin, la saisine de l'Inspection générale de la justice par Éric Dupond- Moretti dans
une affaire le concernant. La CJR a décidé, le 10 septembre 2021, de mettre en examen Agnès Buzyn
dans le dossier de la gestion de l'épidémie de Covid-19 pour « mise en danger de la vie d'autrui » et de
la placer sous le statut plus favorable de témoin assisté pour « abstention de combattre un sinistre ».
Composition. Selon l'article 68-2 C, la Cour de justice de la République comprend 15 juges : 12 parlementaires
élus, en leur sein et en nombre égal, par l'Assemblée nationale et par le Sénat et trois magistrats
du siège à la Cour de cassation, dont l'un préside la Cour. L'Assemblée nationale élit donc six juges
titulaires auxquels sont obligatoirement associés six juges suppléants, l'élection ayant lieu au scrutin
secret et plurinominal. La procédure applicable est celle prévue à l'article 26. C'est le président qui fixe
un délai pour le dépôt des candidatures après en avoir informé l'Assemblée en séance ou par publication
au Journal officiel. Il confie à une ou plusieurs commissions permanentes le soin de présenter des candidatures,
éventuellement après avoir consulté les présidents de celles- ci. La Conférence des présidents
12. Incompétence de la CJR pour les « délits de complicité et de recel d'abus de biens sociaux » Cass. crim., 16 févr. 2000, Dumas.
13. TJ Paris, 11e
ch. corr., 15 juin 2020, Gaubert, Takieddine, Al Assir, Bazire, Castellan, Donnedieu de Vabres, p. 421.
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