Hors collection - Règlement de l'Assemblée nationale commenté - 36

Positionnement du groupe. C'est le premier choix que doit arrêter un groupe : définir son appartenance,
laquelle sera publiée au Journal officiel (art. 19 al. 2). Celle- ci doit préciser s'il appartient à
« l'opposition » ou s'il se considère simplement comme « minoritaire ».
La première catégorie est aisée à définir. Il suffit d'en appeler à son étymologie latine : opponere, c'està-dire
se placer devant, mettre un obstacle.
Cette reconnaissance de l'opposition fut une longue marche. En effet, au hasard des régimes politiques
dont la France s'est successivement dotée, s'il est une permanence historique depuis la Révolution, c'est
bien celle de la réticence de la majorité parlementaire à reconnaître la minorité comme force instituée.
Presque toujours ignorée, à peine consultée par l'exécutif, l'opposition en France fut longtemps vouée
à apparaître soit comme une force d'imprécation - inutile pour le contenu proprement dit de la décision
politique -, soit comme une force de préparation à l'alternance. Et la Ve
ment dans cette lignée.
République s'inscrivit parfaiteIl
était inconcevable pour ses pères fondateurs de reconnaître des droits à l'opposition alors que, tirant
les conséquences des errements du précédent régime, ils étaient mus par le souci « d'asseoir le droit de
la majorité », comme l'écrira Léo Hamon. C'est ainsi qu'en 1958, les notions de majorité et d'opposition
sont absentes de la Constitution, du Règlement, et même pour l'essentiel de notre droit16
.
Pourtant, elles n'en furent pas moins été intégrées, par touches successives, au fil des décennies, dans le
fonctionnement quotidien de l'institution. Ainsi passée la difficile période gaullienne, le sort de l'opposition
fut une préoccupation de Valéry Giscard d'Estaing. Apparut alors le 12 juin 1974, sur sa proposition,
inspirée par la question time de Westminster et sans que ne soit modifié le Règlement, une séance
hebdomadaire d'une heure uniquement consacrée à des questions au gouvernement, partagée à égalité
entre la majorité et l'opposition, en présence du Premier ministre et des autres membres de l'exécutif. De
même, l'élargissement de la saisine du Conseil constitutionnel à 60 sénateurs et à 60 députés constitua
une étape importante dans la reconnaissance des droits de la minorité parlementaire.
Bien plus tard, en 1993, le « Comité consultatif pour une révision de la constitution » présidé par Georges
Vedel prôna de nouveaux efforts notamment dans l'exercice de la mission d'information et de contrôle.
Mais il fallut attendre le vote d'une résolution le 7 juin 2006 pour que l'Assemblée tente de modifier
son Règlement, afin de leur conférer une véritable base juridique à partir de laquelle toute une série
de mesures, ajustables dans leur intensité et dans le temps, devait être déclinée. Une nouvelle disposition
prévoyait ainsi que les groupes politiques devraient déclarer leur appartenance à la majorité ou
à l'opposition, le Bureau étant chargé de trancher d'éventuelles contestations. Mais, dans sa décision
n° 2006-537 DC 22 juin 2006, le Conseil constitutionnel jugea avec intransigeance qu'elle était contraire
au premier alinéa de l'article 4 C, qui dispose que « les partis et groupements politiques (...) se forment et
exercent leur activité librement », ainsi qu'au principe d'égalité. Du même coup, l'ensemble des mesures
censées octroyer des droits spécifiques à l'opposition fut annulé.
C'est à cette censure que répondit la révision de 2008 qui inséra un article 51-1 C déclinant, au niveau
parlementaire, la reconnaissance de droits garantis aux différents groupes et consacrant constitutionnellement
du même chef la notion d'opposition. Le rapport Balladur avait montré la voie en préconisant
que « soit reconnu le rôle des groupes parlementaires qui ne se considèrent pas comme appartenant à la
16. À l'exception d'une mention allusive introduite par une loi du 30 déc. 1966 dans l'article L. 167-1 du Code électoral qui dispose
que pour les élections législatives « une durée d'émission de trois heures est mise à la disposition des partis et groupements représentés
par des groupes parlementaires de l'Assemblée nationale. Cette durée est divisée en deux séries égales, l'une étant affectée
aux groupes qui appartiennent à la majorité, l'autre à ceux qui ne lui appartiennent pas ».
36 · RÈGLEMENT DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE COMMENTÉ

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