Hors collection - Règlement de l'Assemblée nationale commenté - 54

Au moment de la fondation du régime, l'article 43 C leur confiait un rôle central puisqu'elles recevaient
la compétence de principe pour l'examen des textes de loi : « les projets et propositions de loi sont, à la
demande du gouvernement ou de l'assemblée qui en est saisie, envoyés pour examen à des commissions
spécialement désignées à cet effet ». Le constituant s'intéressait plus à l'efficacité du gouvernement qu'au
fonctionnement de la démocratie. Mais, lors de la révision de 2008, elles l'ont perdues, un amendement
du Sénat ayant inversé l'ordre des deux alinéas de cet article 43, reconnaissant ainsi aux commissions
permanentes la priorité.
En vérité, il était logique d'accorder la lettre de la Constitution avec la pratique institutionnelle constante.
En effet, jamais les commissions spéciales ne parvinrent à supplanter les commissions permanentes dans
l'esprit parlementaire.
Pour De Gaulle, l'enjeu était notable. Il s'agissait de réagir aux excès de la IIIe
et de la IVe
République où les
commissions permanentes s'étaient « peu à peu arrogé la plupart des prérogatives gouvernementales »,
comme l'avait déjà dénoncé le 23 août 1896 - avant même leur officialisation - Raymond Poincaré lors
d'un discours prononcé à Commercy dans le département de la Meuse dont il était l'élu.
Mais, pour les députés, les lourdeurs liées à la constitution d'une commission spéciale et surtout le
fait qu'elle cessait d'exister avec l'adoption du texte dont elle était saisie, ce qui lui interdisait de suivre
l'application de la loi, rendaient cette nouvelle organisation moins efficace. Ainsi en 1968, Jean Foyer,
influent président de la commission des lois, eut l'occasion de déposer une résolution pour supprimer
cette disposition estimant qu'elle désorganisait le travail législatif. Si elle ne fut jamais discutée, à bas
bruit, elle incita à l'Assemblée comme au Sénat les parlementaires à refaire de la saisie des commissions
permanentes le droit commun27
. Et c'est ainsi que durant les trois premières législatures (1959-1968),
seules 28 commissions spéciales virent le jour alors que le Parlement adopta plus de 750 lois sur cette
même période...
C'est donc sans grande difficulté que la révision de 2008 entérina cet état de fait. Depuis, 15 commissions
spéciales ont vu le jour : cinq entre 2008 et 2012, six entre 2012 et 2017 et quatre depuis 2017.
D'après l'article 30 du Règlement, leur création est de droit à l'initiative du gouvernement ou, selon
l'article 32, à celle d'un président de groupe (ou de plusieurs) dont l'effectif global représente la majorité
absolue des membres de l'Assemblée. Toutefois, l'article 31 prévoit que les présidents d'une commission
permanente, les présidents de groupe et 15 députés au moins peuvent aussi en faire la demande.
Des règles de forme doivent cependant être respectées pour que la démarche puisse être soumise à
l'approbation de l'Assemblée.
Il convient tout d'abord qu'elle soit présentée dans un délai de deux jours francs suivant la distribution
du projet ou de la proposition de loi. En cas d'engagement de la procédure accélérée, ce délai est réduit
à un jour franc. Seuls les projets de loi de finances ne peuvent pas être concernés (art. 30).
Si aucune opposition ne se manifeste, la demande est considérée comme tacitement adoptée après que
ce sont déroulées deux séances. En revanche, si le gouvernement, le président d'une commission ou le
président d'un groupe y est hostile, un débat en séance publique est inscrit d'office à la fin de la première
séance suivant son annonce. L'issue est cependant déjà écrite car ne peuvent naître que les commissions
spéciales dont le principe aura été arrêté dans une consultation informelle préalable à toute démarche
officielle entre le gouvernement, les présidents de commissions permanentes et le groupe majoritaire.
27. M. bonnarD, « Les commissions spéciales à l'Assemblée nationale, 1959-1979 », RFSP 1981, n° 1, p. 191-210.
54 · RÈGLEMENT DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE COMMENTÉ

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