Hors collection - Quelles finances locales au Maroc et en France dans un monde en mutation ? - 237

	

Najib akesbi	229

financé. Il faudrait au moins que le taux de rentabilité soit supérieur au coût
de l'endettement. Si par contre je suis dans une logique non marchande, je
produis du non-marchand, je produis du service public qui n'a pas de valeur
sur le marché, qui ne peut donc être réductible à la rentabilité financière.
Là, on est forcément dans une autre logique, et du coup, on revient à la
question centrale déjà examinée : si l'investissement répond réellement à des
besoins prioritaires de la population, sa rentabilité économique et sociale
est le véritable critère de sa performance, et la pertinence de l'endettement
est appréciée à l'aune de cette rentabilité.
Par rapport à la question de l'externalisation de services publics divers,
je crois que le plus simple est de se rappeler la définition de l'impôt, ou du
moins la partie de cette définition qui nous intéresse ici. Nous enseignons
à nos étudiants dès le premier cours de finances publiques que l'impôt est
un prélèvement obligatoire, effectué par l'État pour produire des services
non marchands, des services publics. On a dit l'essentiel quand on a rappelé
cela. Parce que lorsque vous externalisez un service public et le rendez
ainsi payant, vous dissociez le contribuable de l'usager, et quelque part
vous créez une nouvelle dualité problématique sur un terrain, celui du
service public, qui ne l'était pas. Certes, on peut disserter à loisir sur le
sens, et donc le périmètre du service public, non marchand, mais il faut
bien comprendre que là, ce qui importe c'est la perception du citoyen, qui
peut légitimement se demander s'il n'est pas en train de payer deux fois la
même chose : l'impôt en tant que contribuable et le prix en tant qu'usager.
Si, dans sa tête et sa perception des choses, l'impôt n'est plus, justement,
ce « prix » (entre autres) qu'il paie à l'État pour que celui-ci lui assure les
services publics auxquels il estime avoir droit, alors on comprend aisément
que c'est la légitimité même de l'impôt qu'il va se mettre à remettre en
cause. Je dis donc simplement : Attention ! Ce terrain est sensible, il peut
être miné, voire dangereux.
Enfin, le débat sur la gestion déléguée renvoie quelque part à la même
question. En tant que citoyen contribuable, je paie mes impôts à une
« Autorité publique » pour qu'elle me produise les services publics qui
me sont nécessaires, et je ne comprends pas pourquoi celle-ci se mettrait à
« déléguer » cette fonction à d'autres entités, non publiques, qui de surcroît
se mettraient à augmenter le « coût » de ces services sans pour autant en
améliorer la qualité ! Ce raisonnement n'est pas une vue de l'esprit, mais je
peux vous assurer que c'est bien celui de nombreux contribuables usagers
de grandes métropoles marocaines telles celles de Casablanca, RabatSalé, Tanger-Tétouan, auxquels on a imposé la gestion déléguée en ce qui
concerne les services d'eau, d'électricité et d'assainissement... On peut
évidemment encore revenir à la question du sens des choses et du « périmètre » des services publics, d'autant plus que ce terrain est sans cesse
Hors collection - Quelles finances locales au Maroc et en France dans un monde en mutation ?

Table des matières de la publication Hors collection - Quelles finances locales au Maroc et en France dans un monde en mutation ?
