Bibliothèque de droit public - Tome 318 - Le principe de liberté en droit public français - 163

LA LIBERTÉ DE PRINCIPE DANS L'ORDRE JURIDIQUE

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de l'article 2 de la Déclaration de 1789. Il y a donc bien un contrôle de proportionnalité exercé par le Conseil constitutionnel, toujours à la recherche de l'équilibre, et démontre ainsi que la liberté reste le principe, et que les atteintes pour
assurer l'ordre public ne doivent pas dépasser ce qui est nécessaire. Ces trois
contrôles de la loi établissant l'état d'urgence s'inscrivent dans le sens du principe
de liberté, de son énonciation indirecte et de sa garantie.
368. Contrôle de la décision de prorogation de l'état d'urgence : une garantie a
priori du principe de liberté. L'état d'urgence peut être prorogé, cette décision de
prorogation peut être contrôlée. Depuis le 13 novembre 2015, l'état d'urgence a été
prorogé six fois, jusqu'au 1er novembre 2017. L'état d'urgence a donc duré presque
deux ans, le régime exceptionnel s'est presque établi comme une normalité, les limitations temporelles qui garantissaient le principe de liberté s'avèrent finalement
affaiblies par ces prorogations. La récente situation conduit à un véritable questionnement sur la façon dont le droit doit répondre à une menace présente, sans établir
un régime de restriction des libertés pour une durée longue, et finalement assez
indéterminée. Néanmoins, il existe une sorte de contrôle puisque le Conseil d'État
donne un avis sur les projets de loi prorogeant l'état d'urgence, qui a cependant
toujours été favorable229, bien qu'il ait amendé le projet de loi de première prorogation, mais il a justifié les six prorogations par les circonstances (« une conciliation
non déséquilibrée »), les garanties accordées par la loi, et le contrôle juridictionnel
des mesures attentatoires à la liberté. Il rappelle dans tous ses avis que « les renouvellements de l'état d'urgence ne sauraient se succéder indéfiniment et que l'état
d'urgence doit être temporaire ». Néanmoins il ne s'agit que d'un avis, le gouvernement est libre d'en tenir compte ou non mais il est généralement suivi.
369. Le Conseil constitutionnel peut être saisi des modifications et des prorogations de la loi établissant l'état d'urgence. Il l'a été, dans le cadre de la QPC, pour
déterminer si la prorogation des mesures restrictives de liberté était constitutionnelles.
Néanmoins, seules quatre décisions sont importantes. Les deux premières décisions
visent l'article 11 de la loi de 1955, concernant les perquisitions administratives et
l'exploitation des sites électroniques. Le Conseil rend une décision de censure partielle
de la loi dans sa première prorogation spécifiquement pour ce qui concerne la permission donnée à l'autorité administrative de copier toutes les données informatiques
auxquelles il aura été possible d'accéder au cours de la perquisition230. Le Conseil
considère donc que le législateur est allé au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer
l'ordre public. La deuxième décision concerne la quatrième loi de prorogation sur le
même sujet. Le Conseil censure de nouveau partiellement les dispositions qui ne
limitent pas la conservation et l'exploitation des données copiées caractérisant une
menace sans conduire à l'infraction231. Dans ces deux décisions, il y a bien un -équilibre
229. Voir les six avis du CE : CE, Avis, 17 novembre 2015, n°390786 ; CE, Avis, 2 février 2016,
n°391124 ; CE, Avis, 28 avril 2016, n° 391519 ; CE, Avis, 18 juillet 2016, n°391834 ; CE, Avis,
8 décembre 2016, n° 392427 ; CE, Avis, 15 juin 2017, n° 393347.
230. CC, 19 février 2016, déc. n°2016-536 QPC, Ligue des droits de l'homme, cons. 14.
231. CC, 2 décembre 2016, déc. n°2016-600 QPC, M. Raïme A., cons. 16 : « le législateur n'a
prévu aucun délai, après la fin de l'état d'urgence, à l'issue duquel ces données sont détruites. Par
conséquent, le législateur n'a, en ce qui concerne la conservation de ces données, pas prévu de garanties
légales propres à assurer une conciliation équilibrée entre le droit au respect de la vie privée et l'objectif
de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public. ». Dans cette décision, le juge considère
qu'une abrogation immédiate de cette disposition entraînerait des conséquences manifestement
excessives, et utilise son pouvoir de modulation dans le temps pour reporter la date de
l'inconstitutionnalité, laissant au législateur le temps pour modifier la loi.

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