Bibliothèque de droit public - Tome 318 - Le principe de liberté en droit public français - 446

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LE PRINCIPE DE LIBERTÉ EN DROIT PUBLIC FRANÇAIS

liberté est un fait démontrable en ce qu'elle s'observe dans la sphère relationnelle230.
Néanmoins, cette conception insiste plus sur la liberté comme action, que sur la
liberté comme pensée ; cela s'explique par le fait que dans la théorie d'Arendt, la
liberté n'est pas dans l'intériorité ou la volonté, en cela que la « volonté est à la fois
puissante et impuissante, libre et non libre »231. Cette conception pose apparemment problème en ce qu'elle signifierait que la liberté n'existerait pas dans une
société où il n'y aurait pas de vie publique politiquement garantie. Ainsi, Arendt
n'insiste pas sur la capacité ou qualité innée de l'homme, mais met en avant l'exercice de la liberté à l'égard des tiers. Néanmoins, elle admet tout de même l'existence
de la liberté comme faculté, même si elle démontre toujours la nécessité de la sphère
politique pour donner une réalité à la liberté. Elle soutient donc que « ce qui d'ordinaire demeure intact dans les époques de pétrification et de fatale prédestination est
la faculté de liberté elle-même, la pure capacité de commencer qui anime et inspire
toutes les activités humaines et qui est la source cachée de la production de toutes
les grandes et belles choses. Mais aussi longtemps que cette source demeure cachée,
la liberté n'est pas une réalité du monde, tangible ; c'est-à-dire qu'elle n'est pas politique »232. Cette conception, qui insiste sur la liberté politique comme dans la
conception antique, a l'avantage de démontrer que la liberté existe bien dans le réel,
et qu'elle s'expérimente par l'action.
1003. Cependant, il manque une partie à cette réflexion en ce que la liberté
s'expérimente dans et par l'esprit : la liberté est d'abord la conscience que l'homme
en a. Elle est avant tout une liberté de conscience au sens de la liberté de penser, et
donc en partie d'imaginer, de s'imaginer le monde et soi-même autrement233.
Chaque homme n'a-t-il pas fait l'expérience pénible ou heureuse de la liberté, en
étant, par exemple, satisfait d'une action ou d'un comportement puisqu'il avait la
possibilité d'agir autrement ? Chaque homme n'a-t-il pas observé la liberté humaine
à l'œuvre par le formidable pouvoir de création, d'innovation matérielle ou intellectuelle ? Il faut, à cet égard, observer les évolutions du savoir en toutes les disciplines,
qui n'est possible que par la possibilité de création. La liberté est notamment une
capacité de création, et surtout et avant tout une capacité de penser et de prendre
conscience. Elle est donc bien cette « donnée immédiate la conscience » définie par
Bergson. À cet égard, chaque homme peut se plonger dans sa propre histoire, sa
propre expérience pour observer l'œuvre de la liberté définie comme pensée et
conscience. En d'autres termes, la liberté est constitutive de l'essence de l'homme,
inhérente à la conscience qu'il a de lui-même et du monde. La nature de l'homme,
spécifiquement sa conscience implique la liberté. En reconnaissant l'existence de
230. Ibid., p. 201. Il semblerait que la liberté n'ait de réalité et de possibilité d'expérimentation
que dans la cité : « le domaine où la liberté est une réalité du monde, tangible en paroles qu'on peut
entendre, en actes qu'on peut voir, en événements dont on parle, dont on se souvient et que l'on
transforme en histoires avant de les incorporer dans le grand livre de l'histoire humaine », p. 201.
231. Ibid., p. 210.
232. Ibid., p. 219. Arendt poursuit en montrant que la liberté est de l'essence humaine : « la
liberté peut aussi facilement être prise ou un phénomène essentiellement non politique ; dans de telles
circonstances, la liberté [...] [est expérimentée] comme un don suprême que seul l'homme, parmi
toutes les créatures terrestres, semble avoir reçu, dont nous pouvons trouver des traces et des signes
dans presque toutes ses activités, et qui ne se développe pleinement néanmoins que lorsque l'action a
créé son propre espace mondain où il peut, pour ainsi dire, sortir de l'ombre, et faire son apparition ».
233. E. Picard, « Avant-propos » in M. Doat, G. Darcy (dir.), L'imaginaire en droit, Bruylant,
Coll. Penser le droit, 2011, p. 100, L'auteur définit l'imagination comme « cette capacité inouïe et,
semble-t-il, exclusive de se représenter les choses autrement qu'elles ne sont présentement. ».

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