Bibliothèque de droit public - Tome 318 - Le principe de liberté en droit public français - 453

LA LIBERTÉ COMME PRINCIPE ONTOLOGIQUE DU DROIT

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1023. La liberté ainsi posée est à la base de la validité et de la légitimité de
tout le système juridique. Elle est un présupposé nécessaire à l'existence du droit,
qui conduit les opposants à la liberté comme fait, à reconnaître que celle-ci est
conçue, dans les fondements du droit positif français, comme transcendantale,
postulée, sans nécessité d'être prouvée, et qui ne doit d'ailleurs pas être prouvée.
Dans la philosophie kantienne l'absence réelle de liberté n'influe aucunement sur
le postulat -ou l'Idée- de liberté262. Le postulat en mathématique ou en logique est
une proposition faisant partie de l'axiomatique formulée au départ d'un système
hypothético-déductif. En d'autres termes, il est un fondement, un principe transcendantal dont découle un raisonnement. Il est possible d'utiliser une distinction
de la philosophie pour mieux comprendre le transcendantal. L'apodictique263 est
différencié de l'assertorique264, en ce que le premier est vu comme un fait nécessaire, évident, non démontrable, ou du moins qui n'a pas à être démontré, qui
résulte d'une nécessité logique et universelle ; alors que le second est un jugement
vrai en fait, mais sans être nécessaire. La vérité apodictique résulte d'une nécessité
de fait absolue mais ne nécessitant pas de démonstration. Le transcendantal correspond en cela à une vérité apodictique. L'existence de la liberté est une vérité
absolue du droit, mais qui n'est pas démontrée par lui. La liberté peut donc être
considérée comme transcendantale, c'est-à-dire existante, même en dehors de toute
pensée par l'Homme ou le sujet de droit, elle existe en soi. La liberté implique donc
une transcendance en ce qu'elle est existante a priori, et serait en quelque sorte
auto-fondée. Elle est transcendantale au regard du droit. Elle existe avant même sa
formulation ou positivisation juridique ; elle est antérieure au droit, et le détermine. Par cette transcendance, la liberté affirme sa qualité de principe, selon l'étymologie de ce mot, c'est-à-dire, ce qui est premier et donc fondé sur lui-même.
1024. De nombreux juristes tiennent la liberté directement ou indirectement
comme un postulat. Cette qualification de postulat vise à montrer que la liberté est
posée comme une condition première, mais invérifiable et qui ne doit pas chercher
à l'être. Elle doit seulement être tenue pour acquise. Il ne faut pas voir de contradiction entre la liberté considérée comme fait et comme postulat, puisque la liberté
peut parfaitement être considérée par les uns comme un postulat et par d'autres
comme un fait. Les deux positions sont différentes mais non contradictoires. Le
principe de liberté est donc autant l'expression d'une vérité apodictique, qu'un
énoncé assertorique, donné comme vrai en fait, et démontrable par l'expérience.
1025. En conséquence, la liberté est bien un principe, dans le sens de fondement transcendantal, comme point de départ d'un raisonnement dont sont
déduites différentes propositions subordonnées. Elle est donc bien une « proposition première », ce qui reconduit vers l'étymologie du mot principe. La liberté est
également une donnée transcendantale, un principe transcendantal pour le droit.
Elle est une objectivité du réel, reconnue par le droit, et qui devient une objectivité
262. Cependant, la liberté peut aussi bien être tenue en même temps comme un fait et comme
présupposé transcendental.
263. A. Lalande, « Apodictique » in Vocabulaire technique et critique...op. cit., p. 57 : l'apodictique
est défini comme ce qui est « nécessaire, par opposition à l'assertorique et au problématique. Ces
termes ont été répandus par Kant, qui en fait les trois divisions de la modalité des jugements ».
264. A. Lalande, « Assertorique » in Vocabulaire technique et critique...op. cit., p. 68, selon la
théorisation de Kant « les jugements assertoriques sont ceux dont la modalité correspond à la
catégorie d'existence (distincte de la nécessité). Ce sont des jugements vrais en fait, mais non
nécessaires ; ce que l'on appelle des vérités de fait ».

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