Contextes - Penser l'ancien droit public - 117

Cyrille Dounot
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De surcroît, cette appellation risque de verser dans le chauvinisme, puisque
« les libertés publiques se rattachent à un ordre juridique national »42
. De la
sorte, une histoire des libertés publiques commence avec le travail libérateur
du législateur national, et s'arrête tant aux frontières de la patrie qu'aux limites
posées à l'action du Parlement, ce qui renvoie au second problème, celui du
support, qui n'est pas sans lien avec le problème du nom.
B. Le support
Il est possible d'affirmer, à la suite de Jean Morange, que « la formulation des
libertés publiques n'est pas un pur problème de forme »43
. Au- delà de l'aspect
symbolique qu'un texte vient signifier, la question juridique du support des
libertés publiques se pose avec acuité. Elle n'est pas sans rappeler quelques
analogies avec le questionnement relatif au nom. Ainsi, la terminologie est
associée à des fondements différents, internes ou externes aux ordres juridiques,
mais aussi à des assises disciplinaires variées : « l'ère des " libertés publiques " était
ancrée dans le droit administratif, celle des droits fondamentaux marquerait
l'avènement du droit constitutionnel »44
. Au- delà de ces questions théoriques,
des problèmes historiques sont soulevés par la formulation des droits et libertés.
Si l'on estime que les déclarations de droits sont le support de la matière,
alors la borne chronologique du xviiie
siècle semble indépassable. Il est de
notoriété publique que le mouvement des déclarations de droits ou de principes
naît au xviiie
siècle, dans le monde anglo- saxon. Les premiers textes sont
issus du continent américain, avec la Déclaration des droits de l'État de Virginie
du 12 juin 1776, qui servira d'ébauche à la Déclaration unanime des treize
États unis d'Amérique du 4 juillet 177645
. Elle sera suivie de la Déclaration des
42. H. Oberdorff, Droits de l'homme et libertés fondamentales, 7e
p. 53. Pour J. Morange, Les libertés publiques, 8e
éd., Paris, LGDJ, 2019, n° 25,
éd., Paris, PUF, 2007, p. 6, « de telles libertés ne
se conçoivent que dans le cadre d'un système juridique déterminé ».
43. J. Morange, Les libertés publiques, 8e
éd., Paris, PUF, 2007, p. 23.
44. V. Champeil- Desplats, Théorie générale des droits et libertés. Perspective analytique, Paris,
Dalloz, 2019, p. 75.
45. Ce fait est relevé par tous, notamment par G. Jellinek, La déclaration des droits de l'homme et
du citoyen. Contribution à l'étude du droit constitutionnel moderne, Paris, 1902, p. 18, (Revue française
d'histoire des idées politiques, n° 1, 1995, p. 109) dans le texte qui servira de fondement à la querelle
que lui opposera Boutmy, cf. D. Klippel, « La polémique entre Jellinek et Boutmy. Une controverse
scientifique ou un conflit de nationalismes ? », Revue française d'histoire des idées politiques, n° 1, 1995,
p. 79-94. Sur d'autres aspects, v. V. Zuber, « L'origine protestante des droits de l'Homme. Retour
sur un débat célèbre : la querelle Jellinek- Boutmy », P. Benedict, H. Daussy, P.-O. Léchot (dir.),
L'Identité huguenote. Faire mémoire et écrire l'histoire (xvie
- xxie siècle), Genève, Droz, 2014, p. 523-541.
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