Contextes - Penser l'ancien droit public - 151

Cyrille Dounot
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De même, au xviie siècle, la sûreté des Français soutient aisément la comparaison
avec celle, tant vantée, des Anglais206
. D'une part, par ses aspects positifs,
car les règles concernant la présentation devant le juge n'ont rien à envier
au régime français207
. Les États Généraux de 1614 réclament, en matière
criminelle, l'interrogatoire du prisonnier dans les vingt- quatre heures de son
arrestation, disposition qui passe dans le droit positif par l'ordonnance de 1629
(art. 186), cinquante ans avant l'Angleterre, avec un délai divisé par trois.
Cette ordonnance enjoint aux juges de libérer les prisonniers le jour même
de leur élargissement « à peine de tous dommages- intérêts contre les geôliers »
(art. 111). Cela est repris par l'article 6 des Délibérations de la Chambre
Saint Louis de 1648 qui dispose « Qu'aucun des sujets du roi, de quelque
qualité et condition qu'il soit, ne pourra être détenu prisonnier passé vingtquatre
heures, sans être interrogé, suivant les ordonnances, et rendu à son juge
naturel ». Ces délibérations seront certes annulées, mais le texte sera repris
plus tard par Louis XIV. L'ordonnance criminelle de 1670 dispose que « Les
prisonniers pour crimes seront interrogés incessamment, et les interrogatoires
commencés au plus tard dans les vingt- quatre heures après leur emprisonnement,
à peine de tous dépens, dommages et intérêts contre le juge qui doit
faire l'interrogatoire ; et à faute par lui d'y satisfaire, il y sera procédé par un
autre officier, suivant l'ordre du tableau » (tit. 14, art. 1er
). Pour assurer ce délai,
les geôliers ont l'obligation d'informer les procureurs, dans ce même délai de
vingt- quatre heures, de tout nouvel emprisonnement (tit. 13, art. 15). S'il n'y
a point appel, c'est- à-dire passage devant le juge, ils doivent « mettre les accusés
W. Hartmann, K. Pennington (dir.), The History of Canon Law in the Classical Period, 1140-1234:
From Gratian to the Decretals of Pope Gregory IX, Washington, CUA Press, 2008, p. 318-366 ; et sur
les aspects procéduraux, v. K. Pennington, « The Jurisprudence of Procedure », W. Hartmann,
K. Pennington (dir.), The History of Courts and Procedure in Medieval Canon Law, Washington,
CUA Press, 2016, p. 125-159.
206. Pour les uns, « [l']histoire politique des droits individuels dans leur acception moderne s'est
d'abord écrite en Angleterre » et « l'adoption de l'Habeas Corpus Act en 1679 permet de jeter les bases,
toujours actuelles, des garanties essentielles de la liberté individuelle prise en la sûreté », L. Favoreu
et alii, Droit des libertés fondamentales, 7e
éd., Paris, Dalloz, 2016, n° 17, p. 13-14. D'autres louent
« la vieille préoccupation de la common law pour la liberté individuelle », en faisant de ce writ « l'un
des aspects centraux de la rule of law, à savoir la proscription de l'arbitraire », et en le qualifiant d'un
des « remèdes les plus généraux et les plus efficaces en vue de protéger les libertés individuelles »,
D. Baranger, « Habeas Corpus », J. Andriantsimbazovina et alii (dir.), Dictionnaire des Droits de
l'Homme, Paris, PUF, 2008, p. 473-475.
207. G. Lebreton, Libertés publiques et droits de l'homme, 8e
éd., Paris, Sirey, 2009, p. 68 : « L'Acte
d'habeas corpus de 1679 réglemente le droit à la sûreté dans ses modalités les plus infimes. Après
avoir posé le principe essentiel que tout détenu doit être présenté à un juge dans les trois jours de son
arrestation, il prévoit des exceptions, fixe le taux des amendes encourues par les geôliers récalcitrants,
et ajoute quelques garanties qui n'ont d'intérêt que pour les Britanniques ».

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