Contextes - Penser l'ancien droit public - 175

Anne Rousselet- Pimont
165
ment au milieu du xviie
siècle88
tout comme chez Claude et Guy Joly89
. Dans
la profusion des écrits de la Fronde, le choix des mots est mûrement pesé.
Alors que les « mazarins » adoptent l'anglicisme du « parlementaire » pour mieux
désavouer leurs adversaires, ces derniers se gardent bien d'adhérer à cette transposition.
L'auteur des Souhaits de la France à Monseigneur le duc d'Angoulême,
mazarinade rédigée en janvier 1649, prend ainsi soin de distinguer « Messieurs
du Parlement » des « Parlementaires anglais »90
. En refusant le qualificatif, les
grands juges et leurs sectateurs montrent clairement qu'ils refusent la contagion
du modèle anglais alors même que l'exemple de l'Angleterre est dans tous les
esprits91
. « Qu'on ne compare
et que certains en appellent purement et simplement à renommer le
parlement pour éviter toute propagation révolutionnaire92
88. J. Le Boindre, Débats du parlement de Paris pendant la minorité de Louis XIV, t. I présenté
par R. Descimon et O. Ranum, texte établi par P. M. Ranum, Paris, H. Champion, 1997, et t. II,
textes établis et présentés par I. Storez- Brancourt, Paris, H. Champion, 2002.
89. Mémoires de Guy Joly, conseiller au Châtelet suivis des Mémoires de Claude Joly, Collection des
Mémoires relatifs à l'histoire de France, Paris, Foucault, t. 47, 1825. V. aussi C. Joly, Recueil de
maximes véritables et importantes pour l'institution du roi contre la fausse et pernicieuse politique du
cardinal de Mazarin, prétendu surintendant de l'éducation de sa majesté, Paris, s.n., 1652.
90. « [...] ce qui est admirable, elle [Paris] ne veut point faire connoistre sa force et sa puissance
que pour le service de son Prince et de sa Patrie ; et quoy qu'il luy puisse arriver, elle veut demeurer
ferme et constante dans le devoir et l'obéissance qu'elle doit à son Souverain. C'est là toute l'ambition
de Messieurs du Parlement. Ils détestent et condamnent toutes les usurpations, soit qu'elles ayent
esté heureuses, soit que le succez en ait esté funeste. Ils ont mesme en horreur l'establissement de
la République Romaine, qui n'a pas commencé si heureusement qu'eux ; comme aussi les Suisses,
qui ne se sont pas liguez avec tant d'avantage, et mesme les Estats de Hollande et les Parlementaires
d'Angleterre, qui n'ont pas agy avec tant de force ni avec une conduite pareille à la leur. Ils ne
travaillent que pour soustenir la grandeur et la dignité de cette Couronne et pour rendre éternelle
la Monarchie Françoise, qui est si bien establie qu'à vray dire, elle ne peut périr que par elle- mesme
et par la division du peuple », dans Choix de mazarinades..., op. cit., t. 1, p. 86.
91. V. H. Carrier, Le labyrinthe de l'État. Essai sur le débat politique en France au temps de la Fronde
(1648-1653), Paris, H. Champion, 2004, p. 73-95 où l'auteur insiste sur « l'indéfectible fidélité au
système monarchique » des contemporains et sur l'influence très limitée du modèle anglais chez des
frondeurs qui le considèrent « plus comme un répulsif que comme un modèle à imiter » (p. 81).
V. aussi É. Tillet, La constitution anglaise..., op. cit., p. 19-21.
92. « Sur tout après la funeste catastrophe qu'a naguères eu le soulèvement du Parlement d'Angleterre
contre son Roy, pour lequel les Anglois disoyent au commencement avoir pris les armes. Barbarie
exécrable et pleine d'horreur, qui doit émouvoir tous les Rois et tous les peuples, et particulièrement
porter tous les cœurs véritablement François à se présenter en foule aux pieds de leur Roy et lui
parler en ces termes : " Sire, comme l'exemple des entreprises du Parlement d'Angleterre a authorisé
les actions du nostre envers le vulgaire, qui n'a pas sceu distinguer l'équivoque du nom de Parlement
qui signifie en Angleterre les trois estats généraux, au lieu qu'il ne comprend en France qu'une partie
du troisième, nous avons telle aversion à l'énormité du crime de celuy- là, qui a osé mettre ses mains
parricides sur son Roy, que pour la tesmoigner à Vostre Majesté, nous luy venons protester que si le
Parlement de Paris ne change de dessein de s'opposer à vos volontez, nous de qui dépend l'usage des
mots, le contraindrons à changer de nom et rendrons celuy de Parlement aussi odieux à la postérité,
que l'est aujourd'huy celuy de Tyran, depuis la violence d'aucuns de ceux qui portoyent ce nom,

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