Contextes - Penser l'ancien droit public - 185

Anne Rousselet- Pimont
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par les historiens, comme par les historiens du droit, ne correspond pas au
cadre qui est le sien à l'époque moderne. Il y a même une double erreur de
perspective. Le concept est, en effet, à la fois trop étroit et trop large. Trop
étroit, car le « parlementaire », au sens des derniers siècles de l'Ancien Régime,
n'est pas nécessairement membre du parlement. Tout factieux, dès lors qu'il
a côtoyé des magistrats et assume partager leurs oppositions politiques se voit
reconnaître, dans nos sources, ce qualificatif. On compte ainsi fort peu de
robes rouges dans les « neuf régimens parlementaires passés au fil de l'épée » à
Charenton, en février 1649146
. La même année, en Provence, apparaissent également
deux partis dans les villes de la région, opposant les partisans du comte
d'Alais, gouverneur de Provence, et ceux des magistrats d'Aix, « deux partis
également menaçans, qui se distinguèrent par des rubans blancs et des rubans
bleus et par les noms de Parlementaire et de Semestre ». Aux côtés des magistrats,
quelques nobles et paysans aixois prennent donc le nom et les couleurs
de « parlementaires »147
. Le cas du régicide Damiens offre
. Être « parlementaire » définit avant tout un engagement
partisan qui n'est pas réservé à Messieurs des parlements mais à tous ceux qui
se positionnent contre le gouvernement monarchique. A contrario, « n'était
point parlementaire », celui qui « parlait pour les souverains » quel que soit
son rapport avec un office de judicature148
également un exemple significatif de cette utilisation extensive du terme qui
rend la catégorie contemporaine trop limitée. Damiens est qualifié, notamment
dans la Chronique de l'avocat Edmond Barbier, de « scélérat » et de « fanatique
parlementaire »149
. Or, si ce pauvre malheureux a, certes, fréquenté des gens du
146. Mémoires de François de Paule de Clermont, marquis de Montglat..., op. cit., p. 208.
147. P. Cabasse, Essais historiques sur le Parlement de Provence, depuis son origine jusqu'à sa suppression
(1501-1790), Paris, A. Pihan Delaforest, 1826, t. 2, p. 350. Voir aussi quelques années
plus tard, d'autres échauffourées provençales entre « parlementaires » et « mazarins » engageant
« quelque canaille » sans lien direct avec la magistrature, rapportées dans le Journal des guerres civiles
de Dubuisson- Aubenay, op. cit., t. 2, p. 157 (janvier 1652).
148. Correspondances littéraires du président Bouhier..., op. cit., t. 12, p. 114. En l'occurrence, le
premier président du parlement de Bourgogne parlait de Pierre Bayle, qui n'avait jamais approché
un office de judicature, et de son article consacré à Louis XIII (lettre du 12 septembre 1732). En
réponse, son correspondant, Mathieu Marais développait en ces termes : « Il m'a paru comme à vous
que Bayle n'était point parlementaire. Ce qui doit néanmoins s'entendre sainement, car cela veut dire
seulement qu'il n'approuvait point les prétentions exorbitantes du parlement de Paris qui, tenant
son pouvoir du Roi, voulait en user contre le Roi même et agir comme le parlement d'Angleterre qui
tient son pouvoir de la nation. Il avait trop bon esprit pour ne pas sentir cette énorme différence et
quoiqu'il vécût dans une république, il n'en connaissait pas moins la distinction qui doit être faite
entre la constitution d'un État républicain et celle d'un État monarchique », t. 12, p. 119.
149. E. J. F. Barbier, Chronique de la régence et du règne de Louis XV..., op. cit., t. 6, p. 497 (« On
est bien obligé de convenir que le scélérat, dans tous ses interrogatoires, ne s'est pas démenti d'être
parlementaire ») et 508 ; v. aussi t. 6, p. 534 : « Il demeura prouvé que Damiens étoit encore plus

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