Contextes - Penser l'ancien droit public - 211

Olivier Mattéoni
201
machine administrative, dont le paradigme en était la monarchie absolue de
Louis XIV22
.
Si l'on se tourne du côté de l'historiographie anglaise, à laquelle Jean.
Chez les historiens
Philippe Genet a été formé, force est de constater que l'approche de l'État,
comme objet historique, a pris des chemins différents23
britanniques ayant travaillé sur la France, c'est une approche sociale et dynamique
de l'État qui est mise en avant, tranchant en cela avec l'interprétation
de leurs collègues de ce côté- ci de la Manche. Qu'il s'agisse des médiévistes
ou des modernistes, la centralisation française est sous leur plume fortement
nuancée, voire contestée. Surtout, tous mettent en avant l'importance des liens
personnels dans le fonctionnement des institutions et la structuration de la
société politique. Influencés par les travaux de Bruce Mc Farlane, les médiévistes
britanniques invoquent le concept de bastard feudalism que l'historien
avait développé, montrant que la France n'avait pas été à l'écart de ces nouveaux
liens de fidélisation aux deux derniers siècles du Moyen Âge24
. Selon cette
lecture, l'État royal s'était aussi structuré autour des alliances, des contrats, des
nouveaux ordres de chevalerie, lieux de la distinction et de la reconnaissance.
Ce sont les travaux de Peter Lewis qui éclairent particulièrement cette évolution
pour le royaume de France au cours des deux derniers siècles du Moyen
Âge25
siècle encore, le gouvernement royal est largement enserré dans
des clientèles, et la pratique du pouvoir et le déploiement de l'État soumis aux
aléas des réseaux, des intérêts et des tensions26
. Au xvie
.
22. Cf. le compte rendu d'un séminaire bordelais consacré aux vingt ans de « la genèse de l'État
moderne », F. Buttay, « Dynamiques de l'État moderne, 1 : La genèse de l'État moderne 20 ans
après », Sisyphe. Carnet des jeunes chercheurs en histoire moderne et contemporaine, CEMMC, Université
Michel de Montaigne Bordeaux III, 2007, en ligne : https://sisyphe.hypotheses.org/84.
23. Voir S. Abélès, F. Madeline, « La genèse de l'État moderne et sa réception en Angleterre et en
Italie. Entre scepticisme et collaboration », « Contre- Champs ». Études offertes à Jean- Philippe Genet,
dir. A. Mairey, S. Abelès, F. Madeline, Paris, Classiques Garnier, 2016, p. 21-73, spéc. p. 26-42.
24. J.-P. Genet, « Histoire politique anglaise, histoire politique française », Saint- Denis et la royauté.
Études offertes à Bernard Guenée, dir. F. Autrand, C. Gauvard et J.-M. Moeglin, Paris, Publications
de la Sorbonne, 1999, p. 621-636, spéc. p. 626-630.
25. P. Lewis, « Decayed and non Feudalism in Later Medieval France », Bulletin of the Institute of
Historical Research, t. 37, 1964, p. 157-184, et id., « Of Breton Alliances and Others Matters », War,
Littérature and Politics. Essays in Honour of G. W. Coopland, dir. C. Allmand, Liverpool, Liverpool
University Press, 1976, p. 122-243, repris dans id., Essays on the History of Later Medieval France,
Oxford, Oxford University Press, 1986, p. 41-68 et p. 69-90. Voir également P. Lewis, La France
à la fin du Moyen Âge. La société politique, trad. fr. par C. Yelnick, Paris, Hachette, 1977 [1re
éd.
anglaise, 1968], notamment p. 288-290.
26. D. Potter, « " Alliances " , " Clientèle " and Political Action in Early Moderne France: the Prince
de Condé's Association », Liens personnels, réseaux de solidarité en France et dans les îles britanniques
https://sisyphe.hypotheses.org/84
Contextes - Penser l'ancien droit public

Table des matières de la publication Contextes - Penser l'ancien droit public
