Contextes - Penser l'ancien droit public - 22

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Le droit romain au risque des catégories modernes
l'expression6
. La période impériale est décidément fondamentale pour penser
l'ancien droit public. Aldo Schiavone parle à juste titre de « grand laboratoire
d'étaticité ». Pourtant elle n'a pas encore été assez exploitée à cause d'un certain
nombre de présupposés qui continuent à contraindre la pensée, en postulant
que l'histoire romaine s'arrête là où finalement commence celle du droit public.
À contre- courant des tendances de son époque, Theodor Mommsen avait
fait le pari d'introduire l'analyse des institutions politiques, longtemps réservée
aux seuls historiens, dans le domaine du droit. Contre l'argument de la fluidité
des institutions romaines qui aurait empêché leur étude d'un point de vue
juridique, Mommsen a pris à bras- le- corps l'immensité de la matière institutionnelle
pour rédiger son Droit public romain. L'œuvre, publiée à partir de
1871, est assurément gigantesque et l'auteur a réussi à réconcilier les romanistes
avec l'étude des institutions romaines. Mais elle s'inscrit dans le contexte de
son époque qui est celui de la rédaction de constitutions dans le monde occidental,
à l'exception bien sûr de la Grande- Bretagne. À travers son Droit public
romain, Mommsen défendait donc l'idée que la politique est contrainte par
des règles strictes définies comme des institutions et proposait finalement une
analyse constitutionnelle de la vie politique romaine, en décrivant un système
juridique pris dans un temps immobile. On sait quelle fut l'influence de ce
modèle constitutionnel en Allemagne et en France, le terme de constitution
étant d'ailleurs même fréquemment utilisé pour la Rome antique, alors même
que Rome n'a jamais eu de constitution7
.
Rome, c'est aussi l'histoire d'un Empire et là encore l'historiographie a
bien du mal à restituer l'héritage du passé, parce que la politique impériale
romaine a longtemps été envisagée dans la perspective des politiques coloniales
modernes. Aujourd'hui le néologisme « impérialisme » a mauvaise presse et
certains chercheurs proposent de lui préférer celui d'universalisme ou d'oecuménisme8
6.
J.-P. Coriat, Le Prince législateur, Rome, EFR, 1997, p. 400-402.
7. J. France, F. Hurlet, Institutions romaines, op. cit., p. 16 rappellent que « l'histoire romaine fut
longtemps dominée en Allemagne et France comme ailleurs par une conception qui relevait d'une
histoire « constitutionnelle », le terme de constitution étant du reste fréquemment utilisé pour être
appliqué au cas spécifique de la Rome antique ».
8. F. Hurlet, « (Re)penser l'Empire romain. Le défi de la comparaison historique », Dialogues d'histoire
ancienne. Supplément, n° 5, 2011, p. 134 souligne la difficulté qu'il y a à tenter une modélisation
du concept mais aussi l'intérêt qu'il y a « à mieux comprendre le passé » ... en s'aidant des outils
conceptuels du présent. « C'est là toute la difficulté de l'enquête, mais aussi son intérêt heuristique,
et c'est le rôle des historiens de donner à cette comparaison un certain recul en soulignant le poids
des idéologies contemporaines dans la reconstitution d'un passé parfois très éloigné ».
. Il s'agit d'explorer les formes que revêt l'organisation spatiale, le
fonctionnement des Empires et les pratiques qui aménagent l'espace. Ce qui

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