Contextes - Penser l'ancien droit public - 226

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L'impôt, l'État, la souveraineté
sans raison. Il précise que la défense de la chose publique autorise les princes à
percevoir la taille. Si, en revanche, l'argent allait à d'autres usages, dans ce cas,
« le sanc et la suer de leurs subjés crieront contre eulx ou darrenier jour du
Jugement, car, adonques, aussi bien sera oÿ le povre come le riche, ja soit ce
que en ce siecle il soit, sovante foys, tout aultrement " qui pauper, dum non habet
quid offerat, nedum audiri contempnitur, sed eciam, contra veritatem, opprimitur " ,
capitulo Pauper, undecima, questione tercia : " le povre, quant il n'a rien que il
puist offrir, n'est mie seulement oÿ, mez est aussi, contre justice et contre verité,
debouté et opprimé " »100
.
En 1461, Charles VII meurt. Dans les récits qui rapportent ses derniers
moments, nulle part il n'est question d'abolition des impôts. Entre les deux
événements, la fiscalité est devenue permanente, les sommes prélevées ont
considérablement augmenté - et elles augmenteront encore très fortement sous
le règne de Louis XI101
-, et malgré les fraudes et les réticences à payer, le fouage
et les tailles s'imposent à tous. Le monopole fiscal est là. Car même si les villes
lèvent des taxes pour alimenter leur budget, une bonne partie provient de celles
que le roi leur a accordées, et il en est de même pour les princes, en leurs terres.
Malgré cette situation, qui n'est pas sans rappeler le monopole monétaire du
roi mais aussi le monopole judiciaire qui s'impose au milieu du xve
siècle - un
monopole que les nouveaux parlements vont encore contribuer à asseoir -, les
discussions autour de la permanence et de la légitimité de l'impôt ne sont pas
closes pour autant. Les juristes, les philosophes, les théologiens de la seconde
moitié du xve
et du xvie
siècle, en France, en Angleterre, en Italie, continuent de
. Jean Bodin participe à la réflexion. L'auteur des
. Il a également développé une pensée sur
penser l'impôt. Au cœur de leur réflexion, l'articulation entre la souveraineté et
les pouvoirs fiscaux de l'État102
Six Livres de la République n'est pas seulement celui qui a fait de la loi le point
ultime de la majesté souveraine103
100. Le Songe du Vergier, éd. M. Schnerb- Lièvre, 2 t., Paris, Éditions du CNRS, 1982, t. 1,
chap. CXXXVI, p. 230.
101. À la mort de Charles VII, les ressources estimées du roi s'élèvent à 1 800 000 l. t.,
dont 1 200 000 l. pour la taille, 550 000 l. pour les aides et la gabelle, et 50 000 l. pour le domaine.
À la mort de Louis XI, on obtient 3 900 000 l. pour la taille, 650 000 l. pour les impôts indirects
et 100 000 l. pour le domaine. L'impôt direct compte désormais pour plus de 80 % des ressources
de la royauté, les impôts indirects pour 14 % et le domaine pour 2 %. À titre de comparaison, la
part des revenus du domaine est de l'ordre de 50 % pour le roi d'Angleterre dans les années 14601485
: W. M. Ormrod, « Les monarchies d'Europe occidentale à la fin du Moyen Âge », art. cit.,
p. 111-150, spéc. p. 144-146.
102. R. Bonney, « Les théories des finances publiques à l'époque moderne », Systèmes économiques
et finances publiques, op. cit., p. 156-160.
103. J. Chanteur, « La loi naturelle et la souveraineté chez Jean Bodin », Théologie et droit dans la
science politique de l'État moderne, op. cit., p. 283-294.
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