Contextes - Penser l'ancien droit public - 23

Soazick Kerneis
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compte en définitive, c'est la façon de faire à l'intérieur d'un même territoire
et Fanny Madeline propose de traduire cette exigence à travers le concept
d'impérialité défini comme « la forme que prend le pouvoir dans le cadre des
espaces polymorphes que sont les empires »9
.
Pour comprendre le fonctionnement des institutions, il faut finalement
diversifier les modèles d'explication, combiner l'histoire juridique stricto sensu
à celle des sociétés, des groupes, des solidarités, comprendre que les registres
du pouvoir tiennent aussi à des pratiques. Comment par exemple envisager
le rôle que tient le peuple dans la vie politique romaine sans écouter ses cris
lorsqu'il exige l'abandon d'un projet de loi, cris qui sont d'ailleurs aussi ceux
des femmes pourtant censées être exclues de la vie politique10
? L'étude des
rituels éclaire celle des institutions et la notion de consensus sert finalement
tout autant de clés d'explication que celle d'autorité11
. L'interdisciplinarité est
bien sûr de bonne méthode. Elle débouche cependant parfois, notamment
chez les historiens anglo- saxons, sur une forme de scepticisme à l'encontre du
droit et des institutions, dénoncés comme un simple discours de propagande.
Retenons davantage l'intérêt qu'il y a à mettre l'histoire en mouvement et la
nécessité d'ouvrir l'histoire du droit à des sources extérieures à son champ disciplinaire.
Apparaissent alors des textes cachés capables de renseigner notamment
sur les phénomènes de résistance à l'État. Longtemps les épisodes de résistance
ou de fuite qui ont eu cours dans l'Antiquité romaine ont été analysés dans
la perspective des gouvernements impériaux modernes et ont servi de « prêtsà-penser
» pour modéliser les phénomènes de révolte indépendamment de tout
cadre chronologique ou contextuel12
. L'historiographie plaide aujourd'hui pour
une analyse en terme empirique qui interprète la révolte par rapport aux formes
de la domination, notamment à la pression fiscale et à l'administration de la
justice13
. La fréquence des abus de pouvoir explique l'exaspération des provin9.
F. Madeline, « L'empire et son espace. Héritages, organisations et pratiques », Hypothèses, 2007,
p. 215-225.
10. Sur l'importance des contiones pour la compréhension de la vie politique dans la République
romaine, v. D. Hiebel, « Délibération et participation sous la République romaine : une oligarchie
parée d'atours démocratiques », Participations, vol. 3, n° 2, 2012, p. 71-91.
11. F. Chauvaud, P. Prétou, Clameur publique et émotions judiciaires, Rennes, PUR, 2013.
12. F. Hurlet, « Rejeter le contrôle de Rome. Les formes de résistance aux structures fiscales et
administratives de l'Empire romain », Ressources, environnement, échanges et pouvoir dans l'Antiquité
classique, dir. S. von Reden [Entretiens de la Fondation Hardt LXIII], Genève, 2017, p. 197-234
dresse le bilan historiographique des études menées sur les phénomènes de résistance. V. aussi sur le
poids de l'histoire marxiste ou nationaliste dans l'analyse des révoltes, B. Pottier, « Peut- on parler
de révoltes populaires dans l'Antiquité tardive ? Bagaudes et histoire sociale de la Gaule des ive
et
ve
siècles », MEFRA, 123, 2011, p. 433-465.
13. F. Hurlet, « Rejeter le contrôle de Rome », loc. cit.

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