Contextes - Penser l'ancien droit public - 250

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Penser l'impôt direct sous l'Ancien Régime
physiocrates. Ces derniers structurent leur pensée à cette époque autour des
idées du fondateur de leur école, François Quesnay et, comme nombre de leurs
contemporains, ils se montrent très critiques à l'égard de la fiscalité de leur
temps, regardée comme générant bien trop d'injustices85
. Ils préconisent de
refondre totalement l'ancien système conformément à leur pensée économique.
Selon eux, la terre est la seule source de valeur que l'homme puisse augmenter
au moyen de l'agriculture, considérée dès lors comme l'unique activité réellement
productrice de biens. Le commerce et l'industrie, liés au travail de
l'homme, sont de simples activités de transformation ou d'adaptation. Pour
être juste, l'impôt ne peut donc être prélevé que sur le produit net de la terre,
autrement dit sur ce qu'elle rapporte une fois retranchés les frais d'exploitation.
Dans un pays rural comme l'est alors la France, il convient donc de modifier la
fiscalité pour ne pas asphyxier l'agriculture en écrasant les paysans d'impôts86
.
Par conséquent, seuls les propriétaires fonciers ont à payer l'impôt, lequel ne
doit plus être affermé afin de réduire les frais liés à sa perception.
Les physiocrates souhaitent supprimer la plupart des impositions pour créer
un impôt unique pesant sur la terre et levé par des syndics de propriétaires élus
dans chaque province87
l'impôt sur l'économie, ils opèrent une véritable « révolution théorique »88
. En analysant et en prenant en compte l'incidence de
.
Les idées défendues par l'école ne sont pas sans conséquence et conduisent à
de profonds bouleversements de la société d'Ancien Régime. D'abord, elles
s'opposent radicalement aux intérêts des financiers et de la Ferme générale,
amenée à disparaître. Mieux, elles renversent l'ordre fiscal en taxant les privilégiés,
généralement propriétaires des terres, et en exonérant les autres. Ce
faisant, elles revêtent des caractères politiques nettement marqués en modifiant
radicalement la constitution sociale traditionnelle du royaume. La physiocratie
s'inscrit dans un mouvement d'idées favorables à une certaine libéralisation
de l'économie, en réaction aux doctrines mercantilistes du xviie
siècle. Ainsi
85. T. Carvalho, « La justice fiscale des physiocrates », Justice fiscale (xe
- xxie siècles), dir.
E. de Crouy- Chanel, C. Glineur, C. Husson- Rochcongar, Bruxelles, Bruylant, 2020,
p. 101-117 ; J.-J. Clere, « La critique de la fiscalité de la monarchie absolue dans les discours des
physiocrates : l'exemple de Le Trosne », État, finances et économie pendant la Révolution française,
Paris, CHEFF, 1991, p. 81-101.
86. P. Harsin, « La théorie fiscale des physiocrates », Revue d'histoire économique et sociale, t. 36,
1958, p. 7-15 ; P.-H. Goutte, « Quesnay et la fiscalité comme politique de développement »,
Économie et humanisme, t. 286, 1985, p. 62-73.
87. A. Mergey, L'État des physiocrates : autorité et décentralisation, Aix- en- Provence, PUAM, 2010,
p. 286-292 ; G. Weulersse, La physiocratie sous les ministères de Turgot et de Necker (1774-1781),
Paris, PUF, 1950, p. 72-75.
88. B. Delmas, « Les physiocrates, Turgot et le " grand secret de la science fiscale " », Revue d'histoire
moderne et contemporaine, t. 56, 2009, p. 84.
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