Contextes - Penser l'ancien droit public - 256

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Penser l'impôt direct sous l'Ancien Régime
pouvoir royal sur la situation des plus démunis. Ce sont, en particulier, les
conditions de vie des paysans que dénoncent en des termes forts les penseurs du
temps112
. Dans ce contexte, la progressivité de l'impôt est alors regardée comme
un moyen d'accéder à plus de justice dans le fonctionnement de la société ou,
en tout cas, comme une manière de mieux répartir les charges publiques. Une
partie de l'élite prend conscience que si l'impôt est nécessaire, son poids doit
être équitablement supporté par toute la société, le plus fort devant porter le
plus faible, pour reprendre les termes d'une expression médiévale remise au
goût du jour dans les dernières décennies de l'Ancien Régime.
Des générations d'administrateurs éclairés ont imaginé des solutions à la
crise financière qui frappe l'État royal. Des penseurs les ont accompagnés, sinon
influencés, dans la mise en œuvre de réformes dont les fondements théoriques
sont solides. Ni Louis XV, ni Louis XVI, lucides quant à l'impérieuse nécessité
d'agir, n'y semblaient hostiles. Au contraire, ils les ont soutenues autant
que le contexte le permettait. Une partie de l'élite intellectuelle est pénétrée
par ces idées qui tendent à lutter contre les abus, les excès et l'injustice de la
fiscalité traditionnelle. On comprend alors que l'impôt influe sur l'économie,
laquelle doit assurer la prospérité du royaume, garantir l'approvisionnement
du Trésor royal et donc permettre le développement de l'État moderne. La
réflexion se complexifie en prenant en compte des données sociales jusque- là
peu exploitées, au premier rang desquelles figure le soulagement de la classe
des paysans, qui sont les principaux producteurs de richesse d'un royaume
encore très agricole. L'échec des réformes projetées tient au manque de moyens
matériels et humains pour appliquer des réglementations parfois très embrouillées,
notamment au niveau de l'évaluation du revenu des contribuables. Cette
impuissance de l'administration royale était d'autant plus difficile à surmonter
qu'elle se conjuguait avec un climat politique de plus en plus tendu, révélant
la faiblesse et les failles de la monarchie. Penser ou repenser l'impôt, l'adapter
aux besoins de l'État, supposait de modifier profondément une société fondée
depuis des siècles sur la notion d'ordres et de privilèges. Or, la royauté n'est pas
assez forte pour mener à leur terme les changements indispensables, d'autant
que la plupart des élites, toutes origines sociales confondues, n'adhèrent plus
au modèle de la monarchie traditionnelle et qu'elles ne soutiennent plus un
régime désormais à bout de souffle.
112. Ainsi le comte d'Albon regrette- t-il « la misère de cette classe d'hommes vraiment précieuse
qui nous nourrit », Observations d'un citoyen sur le nouveau plan d'imposition, Amsterdam, s.n., 1774,
p. 18. L'auteur, maréchal de camp des armées du roi, répond au Plan d'imposition économique et
d'administration des finances, publié la même année par R. de Glannières, chez l'imprimeur Simon,
avec privilège du roi.

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