Contextes - Penser l'ancien droit public - 268

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Penser l'ancien droit public
nombreuses contributions se sont attachées à des objets « massifs » : des principes
ou « grands concepts », des périodes historiques et des champs sociaux élargis.
Mais ce fait ne doit pas tromper. Il traduit la propension des juristes, surtout
dans les traditions civilistes, à aborder le droit à partir de catégories générales.
Il résulte aussi du fait que les perspectives de longue durée semblent mieux à
même d'éclairer la question de l'anachronisme. Dans le même temps, ces perspectives
de longue durée ne sont significatives qu'à partir du moment où elles
sont rapportées à des échelles locales et temporaires. Elles mettent en évidence
les significations diverses qu'un même phénomène juridique ponctuel (un acte,
un traité, une procédure) peut prendre selon l'échelle à laquelle il est observé.
Partant de l'objet, la question de l'anachronisme ramène au contexte et à
l'échelle choisie. Elle rappelle à quel point l'objet d'étude et son contexte sont
solidaires. La problématique de l'objet ne surgit qu'à l'aune de contextes tout
aussi problématiques. D'une part, il ne s'agit pas seulement de contextes historiques
mais aussi de contextes juridiques : l'objet est rapporté à un ensemble
d'institutions juridiques qui lui sont contemporaines (concepts, règles, organes,
doctrines). D'autre part, chaque contexte est envisagé de manière approximative
comme une unité historique et juridique, d'extension sociale et temporelle
variable, au sein de laquelle peuvent être dégagées des significations juridiques
relativement stables.
Cette dialectique de l'objet et du contexte est particulièrement délicate en
droit car chaque contexte véhicule une certaine idée du droit, plus ou moins
précise, comme aujourd'hui11
. Chaque contexte se caractérise soit par une
relative homogénéité du droit pour un groupe social et une période donnée,
soit, au contraire, par le constat ou l'hypothèse d'un monde du droit traversé
de fractures. Les phénomènes juridiques n'étant jamais strictement isolés, ils
sont tous susceptibles d'être rapportés à des contextes distincts mais simultanés,
selon l'échelle choisie12
. Dans le même temps, ils sont tributaires de doctrines
qui toutes tendent à essentialiser ou idéaliser le droit - et toute essentialisation
d'un phénomène social ou juridique est paradoxale. Le droit n'est jamais tel
qu'il se présente dans une théorie, qu'elle soit pure (Kelsen), sociale (Hauriou)
ou « réaliste » (américaine et scandinave), que le droit soit inscrit dans un ordre
thomiste, nominaliste ou cartésien. Ces doctrines sont à la fois révélatrices
des conceptions d'une époque et représentatives de formes d'anachronisme
11. V. la diversité toujours suggestive des propositions réunies dans : Droits, 10-11 (Définir le droit,
1 et 2), 1989-1990 ; v. également les riches contributions à la réorientation de la RIEJ : RIEJ, 70 (Le
droit en contexte), 2013 (en ligne).
12. Jeux d'échelles. La micro- analyse à l'expérience, dir. J. Revel, Paris, Gallimard/Seuil (« Hautes
études »), 1996.

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