Contextes - Penser l'ancien droit public - 73

Grégoire Bigot
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« l'autorité administrative » dont la justice est désormais radicalement séparée.
Les révolutionnaires vont définitivement acclimater la France au mot « administration
» dans la mesure où ils la créent de toutes pièces en décembre 1789 avec
les décrets portant formation des départements et des communes uniformes.
Dans un discours du 3 novembre 1789, Thouret - toujours lui - insistait sur la
nouveauté constituante de la réforme : l'administration est révolutionnaire car
elle constitue physiquement la nation. Elle lui donne corps contre l'ancienne
souveraineté royale48
napoléonienne - et partant, la justice administrative - va se couler. Ne viset-elle
pas plus à parfaire la Révolution pour la clore que de renouer avec un
Ancien Régime dont la France des années 1800 n'était plus exactement friande ?
L'histoire du droit ne doit pas et ne peut pas être complètement dupe de
l'histoire militante (pro ou contra) du xixe
siècle qui inventa pour le droit administratif
des origines dans l'ancien monde. Du moins ne doit- elle l'accepter
que sous bénéfice d'inventaire. Ce qui nous renvoie à la question redoutable
du statut de l'histoire dans le champ des sciences juridiques : pour quoi et
comment fait- on de l'histoire du droit ?
B. Histoire et vérités du droit : problèmes épistémologiques
Comme le regrettait Jacques Poumarède à la fin du xxe
. Or c'est dans ce moule nouveau que l'administration
siècle, l'histoire de
l'histoire du droit a longtemps été délaissée ou ignorée, comme si cette discipline
n'avait pas à s'interroger sur sa raison d'être49
. Or, l'irruption de l'histoire
du droit dans le champ des sciences juridiques n'étant pas neutre, peut- elle
aujourd'hui prétendre à la neutralité ? Ou, pour le dire autrement, peut- il y
avoir une vérité à l'histoire du droit ? Chacun sait en effet que l'histoire du
droit, avant sa reconnaissance académique sous la Troisième République, s'est
développée essentiellement comme science critique du positivisme juridique et
sous influence de l'école historique allemande : le droit ne saurait se résumer
aux codes ou à la loi ; il est le fruit d'une culture qui en quelque sorte l'institue.
48. G. Bigot, « Discours de Thouret relatif à la division générale du royaume, le 3 novembre 1789 »,
Les grands discours de la culture juridique, dir. J. Benetti, P. Egéa, X. Magnon, W. Mastor, 2e
éd.,
Paris, Dalloz, 2020, p. 21-32.
49. J. Poumarède, « Pavane pour une histoire du droit défunte (sur un centenaire oublié) », Procès.
Cahiers d'analyse politique et juridique, t. 6, 1980 ; réimpr. in Itinéraire(s) d'un historien du droit.
Jacques Poumarède, regards croisés sur la naissance de nos institutions, dir. J.-P. Alline, Toulouse,
CNRS/Université de Toulouse- Le Mirail, 2011, p. 621-629. Cette histoire de l'histoire du droit est
depuis une vingtaine d'années un champ d'études particulièrement investi. Cf. notamment P. Bonin,
« L'historiographie de l'histoire du droit, tendance récente et prochains territoires », L'Histoire du
droit en France..., op. cit., p. 533-558.
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