Droit des affaires - Le contrat au XXIe siècle - 160

160 LE CONTRAT AU XXIE SIÈCLE

faut choisir entre les regrets : de nouveaux contrats soulèvent de nouveaux
problèmes, et il faut accepter que les pratiques traditionnelles soient mises
en échec si ce sacrifice représente la seule façon de répondre aux innovations. Face aux difficultés, la théorie doit forcément s'incliner devant la
pratique !
93. Un système probatoire trop rigide pour les contrats à forte mutabilité. En
dépit des améliorations que l'on peut constater, le dispositif probatoire
demeure conçu pour un contrat classique : celui dont le contenu est fixé à
la rencontre des volontés. Or, du fait d'une nouvelle relation à la durée, il
arrive que ce contenu soit désormais mobile, qu'il soit amené à changer de
façon plus ou moins décisive en fonction des circonstances, des besoins du
contrat et des possibilités des parties. Dans une logique traditionnelle, ces
transformations font l'objet d'un avenant84 qui, joint à l'original, constituera le nouvel instrumentum.
Il va de soi que dans un nouveau contexte où le contenu du contrat se
révèle évolutif, quels que soient le rythme et l'importance des modifications, le recours à un avenant est trop lourd pour être opératoire dans
tous les cas. La difficulté est d'abord substantielle, car les inflexions du
contrat ne sont pas toujours gravées dans le marbre, surtout quand tel est
son rythme naturel d'évolution. De plus, s'il fallait que les parties se ménagent systématiquement la preuve des avenants successifs, tout ce qui aurait
été gagné par l'évolution des textes se trouverait perdu. Aussi modeste que
soit une formalité, elle cesse de l'être si elle doit être répétée selon un
rythme déraisonnable. On peut gager que lorsque les inflexions sont impulsées par un Comité de suivi du contrat, ce sont les décisions de ce Comité
qui ont force obligatoire, et constituent la preuve de ce que chacun doit à
chaque moment. Encore faut-il qu'une convention de preuve ait prévu la
situation, et que chacun s'y soit rallié à l'origine.
Peut-être certains contrats nouveaux nous conduisent-ils à réfléchir à nouveaux frais sur l'importance des exigences probatoires. Dans la conception
classique, il s'agissait de conserver la mémoire de la rencontre des volontés,
de sorte à éviter des conflits liés à des divergences dans l'exécution des
engagements. La question de l'efficacité du contrat se présente sans doute
différemment quand son contenu est amené à se modifier à la rencontre de
circonstances changeantes. L'exigence de conservation des engagements
passe au second plan, tandis que le premier est désormais occupé par une
autre question, mais fondamentale : comment les parties peuvent-elles être
assurées que les mutations du contenu ont été adoptées légitimement, c'està-dire conformément aux principes. C'est la gouvernance du contrat, les
techniques de pilotage, qui deviennent centrales pour les parties, plus
84. S. PELLET, L'avenant au contrat, préf. Ph. STOFFEL-MUNCK, IRJS, 2010.

Droit des affaires - Le contrat au XXIe siècle

Table des matières de la publication Droit des affaires - Le contrat au XXIe siècle