Droit des affaires - Le contrat au XXIe siècle - 35

NOUVEAUX CONTRATS 35

commença de se produire que vers les deux tiers du siècle avec la montée
en puissance d'une industrialisation venue d'Angleterre. Fallait-il que ces
contrats inscrits dans la ruralité continuent d'apparaître comme les archétypes de la notion de contrat, quand la société changeait de peau pour se
révéler industrielle d'abord, puis de basculer dans la primauté des services à
la fin du XXe siècle ? Avec les transformations économiques, les exigences
d'une nouvelle circulation des richesses feront apparaître des nécessités
d'un type tout autre ; sous diverses formes, la coopération à long terme
entre des parties multiples prendra sa place aux côtés de l'échange des
prestations, qui ne sera pour autant jamais oublié. Il n'empêche que la
conscience de cette évolution prendra du temps à émerger, sans doute en
raison de l'extraordinaire assise du Code civil.
18. La structure traditionnelle des contrats : le caractère élémentaire du projet.
Le Code civil a procédé à une formidable simplification des institutions de
l'ancien Régime, et d'autant plus qu'il a été animé d'un véritable esprit de
géométrie. On a expliqué ailleurs en quoi cette conception était particulièrement notable dans le droit des biens22. La personne qui désire, le bien
qui est l'objet de ce désir, la propriété qui est le moyen de satisfaire ce
désir : autant d'abstractions quasi-géométriques destinées à abolir la société
d'ordre qui existait auparavant et son complexe réseau foncier, de sorte à
lui substituer un univers mental simple fait de relations élémentaires, faciles
à expliciter.
On retrouve la même chose avec les contrats réglementés par le Code civil,
qui ont encore une caractéristique à ajouter à celles que l'on a évoquées.
Selon la dénomination, chacun peut s'incarner dans une prestation élémentaire, et aucun n'opère au-delà de l'opération fondamentale qui se
trouve visée. La vente transfère la propriété d'un bien contre argent, et
l'échange fera de même contre un autre objet de propriété ; le bail apporte
un droit de jouissance à titre onéreux, et l'entreprise une prestation, dont
les contrats se pulvériseront selon le type précis : transport, conservation,
représentation, travail salarié... Dans la ronde des contrats spéciaux, on
n'en trouve aucun qui ait une quelconque complexité interne, au sens où
il prendrait en charge une pluralité d'effets23. Sans que cela se reflète dans
les intentions, il semblerait que le Code ait voulu procéder à une analyse
élémentaire des fonctions contractuelles, d'ailleurs ratifiée par l'examen
des transactions effectives. Dans cette chimie, les contrats spéciaux sont
22. R. LIBCHABER, « La recodification du droit des biens », Le Code civil 1804-2004. Livre du Bicentenaire, Dalloz et Litec 2004, p. 297, et spéc. nº 7 et s., p. 304.
23. De ce point de vue, un contrat moderne comme le crédit-bail peut se décomposer en des
effets distincts qui viennent se cumuler, selon l'analyse civile : acquisition, location, option
d'achat. Cela seul suffirait à dénoncer une influence étrangère, car le contrat nommé de la
tradition se borne à une opération élémentaire.

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