Droit des affaires - Le contrat au XXIe siècle - 37

NOUVEAUX CONTRATS 37

apparaissant comme le modèle des contrats de situation24 - ce qui le rendait apte à produire des effets changeants de très longue durée. Par ailleurs, le mandat est une incarnation du contrat-moyen25, c'est-à-dire du
contrat dépourvu de tout autre intérêt substantiel que d'en former un
autre, caractéristique qui l'expose à une fragilité essentielle. Ce qui montre
d'ailleurs qu'un contrat n'est pas une construction intangible, asservie à un
objet pérenne ; qu'il peut être sacrifié à d'autres intérêts juridiques, en
constituant un moyen juridique davantage qu'une fin. L'existence du mandat démontrait ainsi l'établissement de modalités neuves de coopération
entre les parties, que la jurisprudence dévoilera peu à peu.
Ces contrats atypiques ont pu jouer un rôle séminal en droit français. À la
vérité, dans un droit aux audaces longtemps bridées par l'obnubilation des
propositions du Code civil, leur existence n'a pas conduit à l'élaboration et
au développement d'autres formes contractuelles divergeant de l'épure
pratiquée depuis 1804. Ils n'ont pas eu à fournir des idées contractuelles
nouvelles qui auraient guidé les évolutions à venir : elles viendront le plus
souvent d'une inspiration de l'étranger, favorisée par la circulation des
modèles. Ils ont joué un rôle tout autre mais également précieux, en confirmant que les types étrangers qui étaient alors proposés au droit français
pouvaient d'autant plus aisément s'y acclimater que leur place y était préparée depuis longtemps. Dès le Code civil, le droit français avait déjà admis
des situations contractuelles étrangères à l'idée d'échange, tout en étant
sensibles à des coopérations de longue durée ; au-delà de la synergie, ces
exemples montraient que les contrats pouvaient être des moyens de réalisation d'opérations économiques de plus vaste ampleur. Ils sont comme
demeurés en réserve de projets nouveaux, que la fin du XXe siècle allait illustrer.
20. Les causes d'une nécessaire évolution des contrats. Combien de temps la
structure simple des contrats du Code pouvait-elle résister à la transformation des conditions économiques ? Dans une perspective abstraite, toute
évolution sociale est susceptible d'emporter un décrochage entre des fins
qui s'émancipent et des moyens restés figés. Les mutations des structures
économiques auraient logiquement dû emporter une évolution des projets
individuels, de sorte que les outils juridiques qui permettaient de les réaliser
paraîtraient subitement inadaptés. Curieusement, cet enchaînement prévisible de causes et d'effets ne s'est pas manifesté en France, entre la fin du
e
XIX siècle et celle du siècle suivant. Tout s'est passé comme si la sphère
24. M. CABRILLAC, « Remarques sur la théorie générale du contrat et les créations récentes de la
pratique commerciale », Mél. G. Marty, Université de Toulouse, 1978, p. 235. Sur le contrat de
situation, v. nº 8, p. 238.
25. R. LIBCHABER, « Des moyens et des fins en matière de contrat », Mél. P. Le Cannu, LGDJ, 2014,
p. 195.

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