Droit des affaires - Le contrat au XXIe siècle - 42

42 LE CONTRAT AU XXIE SIÈCLE

serait voulu pour lui-même à raison de son utilité propre ; il intervient avant
tout à la façon d'une technique de gestion, qui permet à l'entreprise de
faire quelque chose qui lui avait toujours été possible quoiqu'elle n'y ait
guère songé - prendre à bail les mêmes produits qu'elle acquérait autrefois,
devenant locataire au lieu d'en être propriétaire37. La nouveauté est bien
moins dans le contrat de crédit-bail lui-même que dans la disposition d'esprit qui en justifie l'utilisation. Ce que l'on retrouve d'ailleurs pour la plupart des instruments qui pénètrent alors le droit français.
L'affacturage, autre exemple notoire des évolutions de l'époque, correspond de même à une modalité nouvelle de traitement des créances : plutôt
que d'attendre le paiement des créances professionnelles et d'entretenir un
service destiné à prendre en charge les impayés, l'affacturage permet d'en
externaliser le recouvrement et surtout de s'assurer contre la défaillance
des débiteurs38. Les opérations qui en résultent n'ont rien de nouveau,
qui ont toujours existé dans l'escompte comme dans l'assurance-crédit ; il
reste que c'est la dynamisation provoquée par de nouveaux intermédiaires
condensant ces fonctions jadis dissociées, qui en constitue la surprenante
nouveauté. C'est d'ailleurs ce qui a exigé de nouvelles structures législatives
qui ne recouvrent rien de fondamentalement inconnu dans la technique
juridique, sinon par le projet d'ensemble et le cumul d'opérations qui se
trouve réalisé, et nommé.
Encore une fois, le contrat n'est pas voulu pour lui-même, au motif qu'il
apporterait quelque chose d'autrefois impossible ; il est bien plutôt fait de
pièces diverses assez bien connues, dont l'assemblage nouveau s'insère dans
un mode de gestion modernisé, qui est lui tout à fait inconnu en tant que
tel, et qui se trouve porté par les faveurs de l'époque. La modernisation
réalisée ne tient guère à la technique, mais à la façon d'utiliser des ressources existantes39.
37. Ce qui n'empêche pas le crédit-bail, une fois entré dans l'arsenal normatif français, de développer des utilités que l'on ne soupçonnait guère, et de servir de modèle à des opérations
inédites qui procéderont d'intentions nationales. C'est du reste la destinée de toute greffe,
pour peu qu'elle réussisse : elle entre dans le droit national portée par des intentions exogènes qui ont permis son repérage, mais elle y subsiste à raison du développement d'utilités
proprement internes.
38. Pour en percevoir la nouveauté lors de l'entrée en France, v. Chr. GAVALDA et J. STOUFFLET,
« Le contrat dit de factoring », JCP 1966. I. 2044.
39. C'est d'ailleurs ce qui expliquera que le trust ait mis si longtemps à pénétrer dans le droit
français, ce qu'il a fini par faire avec la fiducie. Les différents projets qu'il permet d'entreprendre n'étaient pas seulement portés par un souffle neuf ; c'était surtout le transfert de
propriété à double détente qu'il supposait qui était inconnu du droit français. La reprise de
la technique appelait en conséquence des renouvellements internes des notions juridiques
qui n'ont toujours pas eu lieu, une quinzaine d'années après la loi nº 2007-211 du 19 février
2007 instituant la fiducie.

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