Droit des affaires - Le contrat au XXIe siècle - 80

80 LE CONTRAT AU XXIE SIÈCLE

déduction, on identifie les conceptions sous-jacentes de la volonté des parties - celles qui ne sont jamais explicitées, tout en révélant les intentions les
plus claires quant aux raisons d'être de l'acte.
46. Précisions sur le contrat et ses appellations : instrumentum et negotium. La
première chose qui frappe un observateur français tient à la longueur de
l'écrit, à son détail étonnamment poussé. Cette étendue rédactionnelle
n'est pas seulement due à un souci extrême de la prévision, qui pousserait
les parties à en réglementer toutes les phases de développement - ce qui est
d'ailleurs le cas. C'est aussi que le contrat se présente comme un objet
d'une complexité inédite au regard des conceptions classiques du droit
français. Celui-ci distingue volontiers entre l'instrumentum et le negotium
selon qu'il désigne l'écrit récapitulatif de l'ensemble des engagements, ou
la substance de l'accord des parties. Dans un but de clarté, la pratique française a l'habitude de couler un negotium dans un instrumentum, c'est-à-dire
d'adapter un contenant déterminé à un contenu élémentaire. Or la pratique des affaires raisonne tout autrement, ce qui introduit des relations
contrastées entre ces deux concepts utilisés pour distinguer les aspects du
contrat.
Idéalement, on souhaite la parfaite coïncidence de ces deux éléments :
dans ce que l'on conçoit sous le nom de contrat, l'accord des volontés des
parties s'est porté sur un projet juridique - tantôt simple, tantôt constitué
d'une succession d'opérations élémentaires -, et celui-ci tient entièrement
dans un écrit. Néanmoins, cette présentation correspond rarement à la pratique, qui déborde cette adéquation de multiples façons. D'abord, un
même negotium peut s'incarner dans des instruments divers, clairement
séparés. En sens inverse, il est possible qu'un seul instrumentum recèle
toute une collection de negotia, constituée par autant de clauses détachables
qui incarnent des accords élémentaires réunis dans le même acte.
* Ce que l'on nomme le contrat n'a pas toujours la cohésion qu'on lui prêterait volontiers. En dépit des apparences, il est possible que la rencontre
apparente des volontés n'ait aucune autonomie effective parce qu'elle se
rattache intellectuellement à une opération globale, dont elle est en réalité
inséparable. Bien souvent, l'acte que l'on considère isolément ne constitue
qu'un fragment d'un plus vaste ensemble contractuel, à fonctionnalité limitée. C'est ainsi que la sûreté qui adorne la dette née d'une opération d'ensemble en est tout à la fois indépendante, et inséparable de sa source. Dans
ce projet global destiné à organiser une entreprise d'envergure, les différents contrats qui y concourent ne représentent individuellement qu'une
pièce : seul l'ensemble réalise l'opération entreprise. Chacun d'eux n'est
véritablement qu'une partie d'une machinerie au fonctionnement complexe, qui dépasse d'ailleurs les contractants en jeu dans chaque contrat
considéré. D'où le grand nombre d'instruments différents, formés entre

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