Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 155 - Les Français de l'étranger comme catégorie politique - 162

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LES FRANÇAIS DE L'ÉTRANGER COMME CATÉGORIE POLITIQUE

aussi avec ceux qui vivent en France. Le lien entre les deux espaces de sociabilité
auxquels appartiennent les Français de l'étranger est ainsi réaffirmé :
« Être citoyen français c'est faire son devoir de citoyen, qui est de voter,
participer au destin collectif de la nation en apportant sa voix. C'est aussi se
sentir Français dans l'adversité, même si l'on n'est pas enregistré au consulat,
en participant à Tokyo à une manifestation de solidarité après les attentats de
Janvier 2015. » (M. Séguéla)
498.  Cette appartenance citoyenne conduit à poser, dans les pays où elle est
possible pour les Français, la question de la binationalité. Interrogation qui s'inscrit dans des débats antérieurs puisqu'elle remonte à la période napoléonienne. Le
principe d'allégeance perpétuelle interdit alors à un homme en âge de porter les
armes d'être naturalisé dans un pays étranger. Cette conception est la source de
multiples conflits entre pays d'origine et pays de résidence pour déterminer la
nationalité des Français vivant à l'étranger et donc le nombre d'hommes susceptibles de défendre la nation. À partir des années 1920, suite au rôle joué par les
Français vivant à l'étranger dans la Grande Guerre, la question est posée au Parlement et aboutira, après de multiples débats, à la possibilité de la binationalité
pour les ressortissants français.
499.  Aujourd'hui, être appelé à combattre pour le pays d'origine, ou celui de
résidence, n'est plus évoqué, mais les « conflits de nationalité » du XXe continuent
à renvoyer à un engagement vis-à-vis d'un pays ou un autre. La décision de sortie
de la Grande-Bretagne de l'Union européenne (Brexit) en a été l'occasion pour
des Français qui réunissaient les conditions requises pour devenir franco-britanniques. L'impossibilité de s'engager simultanément vis-à-vis de deux pays qui ont
des politiques contradictoires l'exclut pour cet interlocuteur qui vit à Londres
depuis vingt ans, où il travaille dans le monde de la finance :
« C'est business as usual mais le Brexit provoque une grande tristesse, le
monde que je connais s'est écroulé. Les Français se sentent rejetés mais
demander la double nationalité est, pour moi, exclu car cela supposerait que
je prête un serment d'allégeance à la reine. » (Franck)
500.  Les conflits actuels entre pays continuent donc être l'occasion de réaffirmer son appartenance à une communauté politique, tout comme les conflits
militaires conduisaient, aux siècles précédents, à choisir, entre le pays de résidence
et le pays d'origine, celui du côté duquel l'engagement se concrétisait.

§ 2. PARLER LA LANGUE
501.  Tournons-nous maintenant sur deux autres composantes de la « nationness », suivant l'expression d'Anderson, signes d'allégeance à un État : la langue
et la culture. Quelle place occupent-elles, pour mes interlocuteurs, alors que la
France « entretient un lien d'exclusivité avec sa culture nationale, en particulier
sur le plan linguistique »47 ?
502.  La place du français dans le monde, et donc son enseignement, sont un
des thèmes du débat politique qui suit la Grande Guerre, car l'« expansion
47. J.-F. Gossiaux, 2016, p. 48.

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