Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 155 - Les Français de l'étranger comme catégorie politique - 297

Rendre légitimes les Français de l'étranger

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ne vaut qu'en cas de plus-value immobilière, d'encaissement de loyers ou de
perception de dividendes. Il n'est pas question, comme le répètent certains de
nos collègues de l'opposition, de faire payer une taxe aux Français résidant à
l'étranger et qui possèdent un appartement en France.44 »
Ce débat laisse aussi une place aux émotions. Le logement détenu en France,
auquel s'appliquent ces prélèvements, est, au-delà de sa valeur financière, le symbole du lien à la France. L'ancienneté de ce lien entretenu par les familles de
Français de l'étranger via la possession d'une maison dans leur province natale est
évoquée lors des débats au Sénat. Leur rôle est rappelé, ce sont pour la France des
relais essentiels :
« Ils sont dépositaires de la France. Ils ont ainsi construit une grande
partie de notre réseau d'écoles, car ils ont voulu conserver notre langue. Ils
sont aussi très heureux d'avoir gardé une maison en France, dans leur province natale, comme c'est très souvent le cas. Je puis vous assurer, Monsieur
le ministre, qu'une grande émotion s'est manifestée dans les réseaux d'expatriés depuis qu'ils ont pris connaissance de votre projet, et les réactions que
nous avons recueillies ont été nombreuses.45 »
Le risque est donc que ces logements soient vendus en raison de cette imposition, conduisant à une rupture de liens existant de longue date, avec des membres
de la communauté nationale :
« Je crains qu'en assujettissant les non-résidents à la CRDS, nous ne
nous séparions d'une partie de notre communauté, qui se coupera de ses
origines en abandonnant la maison familiale et en rompant définitivement
avec la France ; je ne le crois pas, j'en suis convaincue. J'ai déjà reçu des messages en ce sens de certains de nos compatriotes.46 »
Mais la possession d'un logement en France, aussi symbolique qu'elle soit du
maintien d'un lien sur la longue durée, n'est pas un argument pris en compte par
l'exécutif. Dans ce débat pour définir un droit, ce « régime d'identité de la communauté »47, le principe d'égalité devant la loi est affirmé par tous les participants,
mais il est interprété différemment en termes de droits pour ses membres, reflétant la tension entre nationalité et résidence. Pour les uns, la communauté est
d'abord celle des Français de l'étranger. Les différences liées à leur extraterritorialité, dont celles liées à la protection sociale, justifient des règles particulières, mais
identiques pour tous. Pour les autres, l'égalité liée à la nationalité prime quel que
soit le pays de résidence.
872.  Le sujet est évoqué tous les ans lors des débats budgétaires jusqu'à la
fin de la législature, en 2017, car le Gouvernement, s'appuyant sur la décision du
Conseil constitutionnel considère que la CSG-CRDS est un impôt dû par tous les
Français sur les revenus perçus en France. Et, pour satisfaire l'arrêt de la CJUE,
44. Assemblée nationale, Annales, Débats parlementaires, 2015, projet de loi de financement de
la sécurité sociale pour 2016, 22 octobre, article 15, assemblee-nationale.fr.
45. Sénat, Annales, 2012, projet de loi de finances rectificative pour 2012, 27  juillet, André
Ferrand, sénateur UMP, p. 2658 et suivantes, senat.fr.
46. Assemblée nationale, Annales, Débats parlementaires, 2012, projet de loi de finances
rectificative pour 2012, 19  juillet, article  25, Claudine Schmid, député UMP  des « Français établis
hors de France », assemblee-nationale. fr.
47. J. Rancière, 1995, p. 150.

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