Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 155 - Les Français de l'étranger comme catégorie politique - 83

Émigration française et transnationalisme

« Ma femme était expatriée, elle est devenue « Française de l'étranger »
car il y a de moins en moins d'expats envoyés et payés par leur entreprise. Ils
forment une communauté particulière, restent très Français, avec le confort
de l'expatriation. » (Emmanuel)
242. Cette construction peut attacher plus d'importance à la future identité
qu'à celle du moment :
« Je ne se suis pas encore Américain mais dans trois ans j'aurai cette
nationalité. En fait je suis Français par ma culture, mon histoire, mais pas
par ma nationalité. Il n'y a que mon passeport qui est français. Mes enfants
sont nés aux États-Unis, ils sont uniquement Américains car je n'ai pas
demandé la nationalité française pour eux. » (Illan)
243. La diversité des appellations utilisées par les Français de l'étranger souligne que la nationalité ne suffit pas à les définir. Elle ne marque pas seulement
l'appartenance au pays d'origine, elle est même source de multiples questions car
elle renvoie au rapport entre le pays d'origine et celui de résidence. Ces tensions ont
fait l'objet des débats politiques des années 1920 à la fin des années 1960. Par
exemple A. Honnorat demandait, lors des débats parlementaires, qu'il soit mis fin
aux « incessants conflits de nationalité » qui tenaient, partiellement, au fait que la
binationalité n'était pas reconnue. De plus la question se posait différemment selon
le sexe. Les femmes perdaient la nationalité française si elles acquéraient une nationalité étrangère. À l'inverse, pour les hommes, le principe d'allégeance perpétuelle
instauré par Napoléon en 1809 continuait à jouer. Ils ne pouvaient pas perdre cette
nationalité avant 50 ans, sauf accord du Gouvernement français, car il fallait empêcher ceux en âge de porter les armes de servir deux nations à la fois. Ainsi était
garantie la participation des Français de l'étranger à la défense de la nation.
244. Alors que la binationalité est possible en France depuis 1967 la distance
par rapport aux règles juridiques édictées par le pouvoir s'exprime différemment. L'appellation officielle de « Français établis hors de France » n'est pas utilisée, et ni le fait d'être Français, ni celui d'être binational n'en épuise le contenu.
Les singularités s'expriment par la création de multiples appellations.
245. Face à la diversité des formules utilisées par les Français de l'étranger
mettons en regard les appellations employées par les élus qui les représentent, et
les membres de l'exécutif. Utilisent-ils le terme officiel ou, sinon, par quoi le remplacent-ils ? Comment la citoyenneté française, base de leur élection, se traduitelle dans les appellations dont ils usent ?
246. Employer une expression où figure « Français » ouvre une première
discussion. S'agit-il de Français de l'étranger, ou de Français à l'étranger ? La
question avait été posée par le Gouvernement, à la suite de la décolonisation dans
les années 1960, et tranchée : il s'agit désormais de Français à l'étranger. Mais
quelques décennies plus tard, le débat n'est pas clos et chacun des termes a des
partisans. Ceux qui soutiennent le « à » se réfèrent au renouvellement de la population émigrée, ils ne sont pas, en majorité, durablement installés à l'étranger, ce
que supposerait l'utilisation du « de ». Le fait que cet élu s'adresse à une population instable justifie son choix :
« C'est une hérésie qu'il y ait des Français de l'étranger, il s'agit de Français à l'étranger, c'est une population très mobile, qui se renouvelle rapidement. » (J.-P. Bayle)

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