Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - Tome 38 - Les échelles du Levant et de Barbarie - 115

Le cadre de l'action commerciale collective

103

207.  Les marchands établis dans les échelles du Levant -  à proprement parler, les commissionnaires  - siègent en principe de plein droit dans les assemblées.
Ils peuvent néanmoins faire l'objet d'une exclusion dans certains cas spécifiques,
relatifs à la condition des personnes ou à la nature de leurs affaires.
B. L'EXCLUSION DE CERTAINS COMMERÇANTS
208.  Les commerçants sont exclus de plein droit de l'assemblée du corps de
la nation pour trois types de considérations : leur âge, les mariages mixtes qu'ils
auraient contractés, ou leurs activités professionnelles. La Chambre de commerce
de Marseille propose, dans un projet de règlement pour le commerce du Levant
de 1666, d'exclure des assemblées les marchands n'ayant pas vingt-cinq ans révolus53. Le secrétaire d'État à la marine, le comte de Pontchartrain, donne partiellement droit à cette demande en 1710 par une lettre adressée à son ambassadeur à
la Porte. Le ministre lui demande d'user de son pouvoir hiérarchique pour
défendre aux consuls de convoquer des commissionnaires âgés de moins de vingt
ans aux assemblées et, par conséquent, réputés mineurs54. Entre vingt et vingtcinq ans, les membres de l'assemblée sont cependant privés de voix délibérative, le
temps de leur apprentissage par l'exemple des plus expérimentés55. Une ordonnance du 16  mars 1716, restreint finalement ce temps d'apprentissage en prévoyant qu'« ils n'auront entrée dans les assemblées de la nation qu'à vingt-quatre
ans, et voix délibérative en icelle qu'à vingt-cinq ans »56.
209.  Un règlement promulgué par l'inspecteur des échelles, Xavier d'-Ortières,
du 8  octobre  1687, ordonne par ailleurs que tous les Français mariés dans le
Levant avec des femmes grecques, par des prêtres orthodoxes, soient renvoyés en
France57. Cette disposition semble néanmoins avoir été peu appliquée58. À  la
demande des commettants marseillais et de certains marchands établis dans
l'Empire ottoman59, Louis XV promulgue plusieurs ordonnances relatives aux
53. Règlement à demander au roy pour le bien du commerce de Levant et de tout le royaume, 1666,
art. 13 (Marseille, ACCIM, J 1557, fol. 2).
54. P.  Bornier, Conférences des ordonnances de Louis XIV avec les anciennes ordonnances du
royaume, le droit écrit et les arrêts (éd. Paris, Les associez, 1755, t. II, p. 448). À propos de l'âge de la
majorité dans l'ancien droit, voir D.  Deroussin, Histoire du droit privé (XVIe-XXIe siècle), Paris,
Ellipse, 2010, p. 31-32. Sur le cas particulier du marchand mineur, voir également A. Mages, « Lorsque
la minorité devient majorité par fiction de la loi (art. VI, tit. I de l'édit de 1673) », MSHDB, n° 74,
2017, p. 45-57.
55. Lettre du comte de Pontchartrain au comte de Ferriol, ambassadeur à Constantinople, 11 juin
1710 (éd.  A.  Pouradier Duteil-Loizidou, Consulat de France à Larnaca..., op.  cit., t.  IV,
p. 190-191).
56. Ordonnance qui permet aux eschevins et députez de la Chambre du commerce à Marseille de
délivrer des certificats de résidence aux enfans et parents des négocians de Provence qui voudront aller
s'establir au Levant, 17 mars 1716 (éd. Paris, Imprimerie royale, 1716, p. 2 [Paris, AN, AE, BIII 192,
pièce 38]).
57. Règlement fait par Monsieur d'Ortières, envoyé de sa majesté pour la visite des échelles du
Levant, 8 octobre 1687, art. 21 (Marseille, ACCIM, J 1573, fol. 3).
58. Les contraventions à cette règle sont fréquentes, ainsi qu'en témoigne l'Avis à Monseigneur le
comte de Pontchartrain, 26 août 1706 (Marseille, ACCIM, J 1575, p. 182). À ce sujet, voir P. Masson,
Histoire du commerce français dans le Levant au XVIIe siècle, op. cit., p. 462.
59. À ce sujet, voir la Lettre de Pontchartrain à François Luce, consul à Larnaca, 25 avril 1708 :
« Ces négocians représentent encore que les François mariez sur les lieux [...] ne devroient avoir
aucune administration des affaires de la nation, parce que leur alliance leur donne de l'affection pour
les naturels du païs et les rend moins vifs sur les interrests de leurs compatriotes, outre que les gens du
païs se trouvent souvent informez des affaires de la nation et y peuvent donner des mouvemens

978-2-275-08394-0__DOCFILE__corpus.indd 103

15/12/2020 11:56:47
Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - Tome 38 - Les échelles du Levant et de Barbarie

Table des matières de la publication Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - Tome 38 - Les échelles du Levant et de Barbarie
