Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - Tome 38 - Les échelles du Levant et de Barbarie - 127

Le cadre de l'action commerciale collective

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dernière raison conduit le législateur royal à supprimer, en 1776, la distinction
entre avanie personnelle et avanie collective.
2.	 La suppression de la distinction
235.  Dès la fin du xviie siècle, les mémoires administratifs faisant état du
commerce français dans l'Empire ottoman pointent l'endettement excessif de la
plupart des échelles132. En 1682, les dettes du corps de la nation s'élèvent, par
exemple, à  135 000 piastres à Alexandrette, 100 000 piastres à Seyde, 25 000
piastres à Larnaca, 5 000 piastres à Tunis et 2 000 piastres à Tripoli de Syrie133. Un
tel degré d'endettement s'explique notamment par un abus, particulièrement
répandu dans la pratique des échelles, consistant à imputer une avanie causée par
la faute d'un particulier sur les deniers du commerce général de Marseille134. Pour
remédier à cet endettement systématique, un projet d'arrêt rédigé par le Conseil
du roi en 1775 propose de supprimer la responsabilité collective et de faire supporter toutes les avanies, quelle que soit leur cause, par les particuliers135. La
Chambre de commerce de Marseille s'y oppose vivement en arguant qu'une telle
responsabilité objective et illimitée des commissionnaires conduirait à la ruine du
commerce du Levant :
Quelle justice y auroit t'il de faire retomber sur ces particuliers et sur
le cautionnement du majeur, ny même sur le corps entier de la nation, tous
les autres évènemens qui peuvent arriver comme avanies suscitées par la
cupidité des grands : emprunts demandés et extorqués par la force, sacs,
incendies, révolutions, invasions et généralement tous les autres cas et
accidens imprévus qui n'arrivent que trop souvent tant en Levant qu'en
Barbarie ? Quelle faute a commise dans pareil cas cette nation ? Quel tort
peuvent avoir les particuliers pour leur faire suporter des évènemens dont
un seul seroit capable de renverser leur fortune ? Et quels seroient les négocians qui voudroient à de pareilles conditions former des établissemens ?
Quels seroient ceux qui oseroient se charger de leur régie ? On n'en trouvera certainement plus et même une pareille rigueur feroit bientôt abandonner les échelles136.
236.  Malgré ces réticences, le projet est adopté en l'état par le Conseil du
roi, le 9 décembre 1776. Il défend à la nation et aux consuls de lever aucun droit
sur les bâtiments faisant escale dans le port de l'échelle137. Il interdit de surcroît
132. R. Paris, Histoire du commerce de Marseille..., op. cit., p. 310-319.
133. Mémoire sur l'état du négosce des François, Anglois, Venitiens et Hollandois dans le Levant,
comme aussy du commerce que les François font dans le reste de la Méditerranée et hors du détroit,
dressez par le sieur Le Fevre, ancien échevin de la ville de Marseille, négociant depuis quarante années et
qui a fait un long séjour en Levant, 1682 (Paris, AN, AE, BIII 234, pièce 30, fol. 25-25v). Pour un autre
exemple, voir le Mémoire concernant les 250 mille livres que le commerce a esté chargé de payer pour
l'affaire de Schio suivant l'arrest du 3 octobre 1683, 1684 (Paris, AN, AE, BIII 234, pièce 36).
134. En 1762 le secrétaire d'État à la marine écrit, par exemple, à la Chambre de commerce de
Marseille pour lui demander de faire cesser cet abus, Lettre de Choiseul à la Chambre de commerce de
Marseille, 4 janvier 1762 (Marseille, ACCIM, J 1560, fol. 1).
135. Voir l'article 1er du projet, rapporté dans les Observations sur les articles du projet d'arrêt,
1er juin 1775 (Marseille, ACCIM, J 1560, fol. 1).
136. Observations sur les articles du projet d'arrêt, 1er  juin 1775 (Marseille, ACCIM, J  1560,
fol. 1-2).
137. Arrêt qui défend de faire payer, soit par imposition, soit par la caisse de la Chambre du
commerce de Marseille, les avanies, les emprunts demandés à la nation dans les échelles du Levant et de
Barbarie, 9 décembre 1776, art. 3 (éd. Paris, Imprimerie royale, 1776, p. 2 [Marseille, ACCIM, J 1560]).

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