Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - Tome 38 - Les échelles du Levant et de Barbarie - 132

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LES ÉCHELLES DU LEVANT ET DE BARBARIE

II. LES DÉLIBÉRATIONS COMMERCIALES
245.  L'assemblée du corps de la nation adopte des accords empiriques entre
marchands pour l'achat et la revente de différentes marchandises (A), lesquels ont
très tôt retenu l'attention de la doctrine commercialiste (B).
A. LA PRATIQUE DES DÉLIBÉRATIONS COMMERCIALES
246.  À  partir de la seconde moitié du xvie siècle, les registres de consulat
contiennent des accords intervenus entre les marchands de la nation pour l'achat
et la revente de certaines marchandises. À Tunis notamment, plusieurs actes du
mois d'avril 1583 évoquent indirectement un accord entre plusieurs négociants de
l'échelle pour l'achat en commun de laines à un prix fixé par avance172. Un contrat
du 23 septembre de la même année, déposé à la chancellerie du consulat, atteste
également d'une entente pour l'achat de cuirs et de laines auprès des fournisseurs
tunisiens. Les négociants conviennent tout d'abord de s'abstenir d'acheter ces marchandises par eux-mêmes. L'un d'eux est ensuite désigné pour faire seul les achats,
avec les fonds mis en commun par les parties, et de répartir les lots, proportionnellement aux apports de chacun173. Au xviie siècle, le chevalier d'Arvieux, consul à
Seyde, rapporte dans ses mémoires des pratiques similaires dans le ressort de son
consulat pour l'achat des soies174. Cette pratique est également répandue à Seyde et
à Acre pour l'achat du coton175, au Caire pour les cuirs et du safranon176, ainsi qu'à
172. Protestation de Sérubi contre Perdigon et Voyon au sujet du commerce des laines, 26  avril
1583 : « Il y a environ un moys et quelques jours que lalerent truver à sa maison et leur dir tant de sa
part comme de patron Pedro de Vangellist et messir Jacomo Pieretto et messir Parcy Paqualle qu'il ne
se presa point de prandre des leynes [...] et quil tinssent fort, car esemant le douganier la dourré a deux
escus causan [...] que les susdits nen prendront point à plus aut pris » (éd. P. Grandchamp, La France
en Tunisie..., op.  cit., t.  I, p.  107-108) ; Réponse à la protestation de Sérubi, 27  avril 1583
(éd.  P.  Grandchamp, La France en Tunisie, op.  cit., t.  I, p.  108-110). À  propos de la pratique de
l'échelle de Tunis, voir Y. Debbasch, La nation française en Tunisie..., op. cit., p. 323-324.
173. Accord intervenu entre Vignon, Voyon, Ollivier, etc. au sujet du commerce des cuirs et laines,
23 septembre 1583 : « Premierement que tous les cuyrs et leynes que ce recepront allavenir du doganier
hou autres [...] tant por payement des debtes que celles que se achepteront por le comtant seront mis
dans ung magasin tel que entre susdits sera advise et seront pour le profit general des susnomes et ce
partageront par esgalles partz et pourtions [...], il ne leur sera permis de negoucier vandre ne achepter
avec heux par lespace de troys moys sauf si le beysa les faict payer des sommes [...]. Touttefoy le
beneffice du payemant sera au soul et livre savoir que plus aura plus tirera et seux qui auront moingz
davoir seront teneus payer la plus vallue des robbes a ceulx que auront plus davoir et semblablement
cy les susdits debtes se recouvrent en argent comtant ung chasqun tirera pour sa part et ratte jusques
en fin de paye comme cy les dictz debtes se fussent fais tous en compagnie. [...] Idem que cy venoict
capitter aulcunes robes de quelque nature que ce soyent en cette dicte ville aux royaume de tunis
aulcun des susnomés ne les pourra achepter por en faire son prouffit particulier ains por le benefice de
tous en general savoir de ceulx qui voudront partissiper et aussy ne pourra faire negoucier aulcune
tierce parsonne por luy particullier demeur à sa maison hou dehors » (éd. P. Grandchamp, La France
en Tunisie, op. cit., t. I, p. 110-111).
174. L. d'Arvieux, Mémoires (éd. cit., t. III, p. 357-358).
175. Voir notamment l'Accord faict entre Paul Maashouk et consul anglois à Acre et la nation
françoise audit lieu, 21 septembre 1706 (Marseille, ACCIM J 1575). À propos du commerce du coton
dans ces échelles, voir également J.-P. Farganel, « Les négociants français et le commerce international
du coton : un enjeu économique et politique vu à travers l'exemple des échelles d'Acre et de Seyde.
1650-1789 », De la fibre à la fripe. Le textile dans la France méridionale et l'Europe Méditerranéenne
(XVIIe-XXe siècles). Actes du colloque du 21 et du 22  mars 1997, éd.  G.  Gavignaud-Fontaine,
H. Michel et É. Pélaquier, Montpellier, Université Paul Valéry, 1998 p. 385-411.
176. Le safranon, ou carthame des teinturiers, est une plante de la famille des asteraceae dont les
fleurs servent à produire une teinture allant du rouge au jaune.

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