Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - Tome 38 - Les échelles du Levant et de Barbarie - 136

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LES ÉCHELLES DU LEVANT ET DE BARBARIE

fonds nécessaires à l'achat de leur marchandise. Un partage des gains et des pertes
est opéré lorsqu'ils répartissent entre eux les marchandises achetées ou les gains
de leur revente. Enfin, ces délibérations sont adoptées dans l'intérêt commun des
parties204. Partant, ces accords peuvent être qualifiés de contrat de société.
255.  La doctrine commercialiste distingue traditionnellement trois types
de sociétés : la société générale ou en nom collectif, la société en commandite
et la société dite « anonyme »205. La société générale est définie comme celle
formée intuitu personae, par un nombre restreint d'associés qui s'associent solidairement sous une dénomination sociale, pour mettre en commun leurs capitaux et leur industrie206. Dans la société en commandite, les auteurs opèrent
une distinction entre deux catégories d'associés : les commanditaires qui
apportent leurs capitaux mais ne participent pas directement à la gestion, et les
commandités, chargés de gérer l'affaire, qui apportent essentiellement leur
industrie et éventuellement leurs capitaux207. La société anonyme est enfin
décrite comme une société occulte aux yeux des tiers, généralement formée
pour réduire la concurrence entre les associés208. Cette dernière figure sociale se
distingue de la société générale par son caractère occulte et son absence de
dénomination sociale : « elle ne se fait sous aucun nom »209. Selon l'expression
de Savary, elle diffère également de la société en commandite en ce que « dans
la société anonyme, l'associé inconnu est tenu indéfiniment, pour la part qu'il
a dans la société, d'acquitter son associé des dettes qu'il a contractées pour la
société, au lieu que l'associé en commandite n'en est tenu que jusqu'à concurrence de la somme qu'il a mise en société »210. L'auteur du Parfait négociant,
donne l'exemple suivant d'une société anonyme qui correspond en tout point à
la pratique de La Canée :
La seconde espèce de société anonime se fait lorsque les marchands et
négocians vont aux foires et marchez pour y vendre ou acheter de la marchandise, ceux qui y vont acheter mesme sorte de marchandise pour ne la pas surachetter, s'ils alloient sur les marchez les uns des autres. Ils conviennent, trois ou
quatre ensemble, de s'associer pour l'achat des marchandises qu'ils feront
204. Sous l'Ancien Régime, l'affectio societatis ne fait en effet pas figure de caractère essentiel
permettant de qualifier le contrat de société. Sur ce point, voir V. Simon, « L'affectio societatis. Étude
historique sur l'élément intentionnel du contrat de société », RDC, 2016/2, p. 346a et s.
205. Sur ces trois catégories de sociétés, voir J. Toubeau, Les institutes du droit consulaire ou les
élémens de la jurisprudence des marchands, II, 3, 2 (éd. cit., t. II, p. 91) ; D. Jousse, Nouveau commentaire
sur l'ordonnance du commerce du mois de mars  1673 (éd.  Paris, Debure, 1772, p.  35) ; Rogue,
Jurisprudence consulaire et instruction des négociants, chap. 59 (éd. cit., t. II, p. 236).
206. J. Savary, Le parfait négociant, chap. 40 (éd. cit., t. I, p. 350).
207. J. Savary, Le parfait négociant, chap. 40 (éd. cit., t. I, p. 350-351).
208. Au sujet des sociétés anonymes, voir H. Lévy-Bruhl, « Les différentes espèces de sociétés
de commerce en France au XVIIe et XVIIIe siècles », RHD, t.  16, 1937, p.  314-318 ; Id., Histoire
juridique des sociétés de commerce en France aux XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, Domat-Montchrestien,
1938, p. 40-42 ; J. Hilaire, Introduction historique au droit commercial, op. cit., p. 191-192 ; J. Guyader,
« Existait-il une doctrine commercialiste dans l'ancienne France ? L'exemple des sociétés : titre IV de
l'ordonnance sur le commerce de terre du 23 mars 1673 », loc. cit., p. 91-93 ; É. Richard, Droit des
affaires..., op. cit., p. 326-327 ; R. Szramkiewicz et O. Descamps, Histoire du droit des affaires, op. cit.,
p. 216 ; V. Simon, « Le rôle des sociétés anonymes d'Ancien Régime dans le commerce entre la France
et l'Empire ottoman », RHD, t. 92/1, 2014, p. 40-43.
209. J. Savary, Le parfait négociant, chap. 40 (éd. cit., t. I, p. 351).
210. J.-N. Guyot, v° Société, Répertoire universel et raisonné de jurisprudence civile, criminelle,
canonique et bénéficiale (éd. cit., t. XVI, p. 328a).

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