Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - Tome 38 - Les échelles du Levant et de Barbarie - 140

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LES ÉCHELLES DU LEVANT ET DE BARBARIE

264.  La législation royale prévoit par ailleurs une série de conditions d'éligibilité ayant pour objet d'écarter de la députation les sujets inexpérimentés, ou à la
probité douteuse. Les marchands de moins de 25 ans, qui n'ont pas résidé deux
ans dans l'échelle234, qui ont épousé une « femme du pays », qui ne sont ni naturels
français, ni naturalisés235, qui ont fait faillite236, ou qui se sont rendus coupables de
fraudes électorales237 sont ipso jure exclus de la députation. Afin d'éviter que la
députation ne soit monopolisée par certains résidents de l'échelle, l'ordonnance
de 1685 prévoit de surcroît que le député sortant ne pourra être réélu qu'après un
délai de deux ans, à moins que le faible nombre de négociants présents dans
l'échelle ne fasse matériellement obstacle à l'application de cet article238. Si d'un
point de vue sociologique, les députés sont le plus souvent des commissionnaires
des maisons de commerce239, aucun obstacle légal n'interdit à l'assemblée d'élire
un non commerçant, comme à La Canée où les marchands élisent en 1732 le
chancelier du consulat pour député240.
265.  Dans le silence de l'ordonnance, la plupart des consuls tentent néanmoins de s'arroger un droit de présentation, en proposant eux-mêmes les futurs
députés, avant de faire confirmer ce choix par un vote de l'assemblée241. En réaction à cette pratique, l'inspecteur des échelles Xavier d'Ortières promulgue un
règlement en 1687 qui impose de laisser « la liberté entière à la nation d'en faire le
choix à la pluralité des voix, [...] sans que les consuls puissent se mesler de cette
élection directement ou indirectement »242. Les ambassadeurs à la Porte, le marquis de Nointel et le marquis de Châteauneuf, désavouent cependant l'inspecteur
en rendant deux ordonnances les 31 juillet et 22 décembre 1695 -  confirmées la
même année par le secrétaire d'État à la marine  - qui autorisent le consul du
234. Ordonnance sur le commerce du Levant, 25  décembre  1685, art.  22 (éd.  cit., p.  1). Cette
condition est reprise par l'Ordonnance concernant les consulats, la résidence, le commerce et la
navigation des sujets du roi, dans les échelles du Levant et de Barbarie, 3 mars 1781, titre II, art. 50
(éd. cit., p. 131).
235. B.-M. Émérigon, Nouveau commentaire sur l'ordonnance de la marine du mois d'août 1681
(éd. cit., p. 152).
236. Voir, tout d'abord, les instructions du 29 octobre 1732 du comte de Maurepas, transmises à
tous les consuls reproduites par M.  Mazoillier, Recueil général des règlemens..., 1763 (Marseille,
ACCIM, J  1763, p.  52). Cette solution sera finalement consacrée par l'Ordonnance concernant les
consulats, la résidence, le commerce et la navigation des sujets du roi, dans les échelles du Levant et de
Barbarie, 3 mars 1781, titre II, art. 51 (éd. cit., p. 131).
237. Ordonnance concernant les consulats, la résidence, le commerce et la navigation des sujets du
roi, dans les échelles du Levant et de Barbarie, 3 mars 1781, titre II, art. 57 (éd. cit., p. 133).
238. Ordonnance sur le commerce du Levant, 25  décembre  1685, art.  24 (éd.  cit, p.  1). Cette
condition est reprise par l'Ordonnance concernant les consulats, la résidence, le commerce et la
navigation des sujets du roi, dans les échelles du Levant et de Barbarie, 3 mars 1781, titre II, art. 56
(éd. cit., p. 132). Il convient cependant de noter que cette règle n'est pas toujours respectée, ainsi qu'en
témoigne notamment le Mémoire concernant l'eschelle de Smyrne, 20  mai  1688 (Paris, AN, AE,
BIII 235, pièce 18, fol. 1v).
239. Mémoire pour donner une idée de l'estat présent des François en Levant, 1695 (Paris, AN, AE,
BIII 235, pièce 53, fol. 2v).
240. Procès-verbal de l'assemblée de la nation à La Canée, 20  octobre 1732 (Nantes, CADN,
328 PO, série 1, 191).
241. Par exemple, voir le Mémoire concernant l'eschelle de Smyrne, 20  mai  1688 : « Contre le
règlement du 25 décembre 1685, [le consul de Smyrne] a nommé luy-mesme les députez dans l'élection
qui fut faite pour lors et a brigué les suffrages dans la dernière eslection faite en 1687, en sorte qu'il a
fait eslire un jeune homme, M. Lionsi, son pensionnaire » (Paris, AN, AE, BIII 235, pièce 18, fol. 1v-2).
242. Règlement fait par Monsieur d'Ortières, envoyé de sa majesté pour la visite des échelles du
Levant, 8 octobre 1687, art. 11 (Marseille, ACCIM, J 1573, fol. 2).

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