Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - Tome 38 - Les échelles du Levant et de Barbarie - 156

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LES ÉCHELLES DU LEVANT ET DE BARBARIE

brièvement les dispositions des anciens statuts communaux ayant trait à la nomination des consuls19. Elles sont néanmoins de nouveau révoquées en 1594, après le
sacre d'Henri IV. La Chambre de commerce de Marseille, créée en 1599, reprend
néanmoins les prétentions du corps de la ville et demande régulièrement, jusqu'à
la fin du xviie siècle, un privilège d'élection et de destitution des consuls20.
289.  À  partir de la création par Henri III en 1589 d'un secrétariat d'État
unique pour les affaires étrangères21, les titulaires de ce portefeuille sont désormais
chargés de l'expédition des lettres de provision d'office consulaire, « au nom toutefois et soubz le bon plaisir du roy, au proffict de qui ilz ont jugé plus à propos pour
le bien de son service et celuy des négocians »22. L'office est en effet défini en 1610
par Charles Loyseau, dans ses célèbres Cinq livres du droict des offices, comme une
« dignité avec function ordinaire en l'Estat »23, ne pouvant être conférée que par la
seule volonté du prince24. Sous le règne de Louis XIV, cette prérogative est toutefois déléguée au secrétariat d'État à la marine, par un règlement du 11 mai 166725.
Suivant l'usage établi depuis l'Époque médiévale, les offices consulaires sont vendus par le roi, puis par les secrétaires d'État chargés des nominations26. À l'instar
de nombreuses autres charges, cette pratique conduit néanmoins rapidement au
développement d'un phénomène de vénalité des offices consulaires.
2.	 Le développement de la vénalité des offices consulaires
290.  Au début du xviie siècle, un office de consul dans l'Empire ottoman se
négocie entre 3 000 et 75 000 livres, suivant l'importance de l'échelle et des revenus qui sont attachés à la charge27. Cette somme est conséquente : à titre de
-comparaison, un office de conseiller du roi se négocie, à la même époque, pour
environ 90 000 livres28. Par ailleurs, ces officiers ont rapidement cherché à rendre
ces charges héréditaires, par le biais de présents aux ministres, comme en témoigne
un Mémoire sur les consulats du xviie siècle :
Ceux qui se sont trouvés pourveus de ces charges, ou pour mieux dire de
ce don du roy, ont cherchez de se les rendre héréditaires, ce qu'ils ont presque
19. Y. Debbasch, La nation française en Tunisie..., op. cit., p. 170.
20. Par exemple, voir la Responce aux articles de l'instruction généralle des affaires du commerce
de Marseille au Levant et terres du grand seigneur, 1665 (Paris, AN, AE, BIII 234, pièce 15, fol. 5).
21. J. Baillou, Les affaires étrangères et le corps diplomatique français, Paris, CNRS, 1984, t. I,
p. 56-57.
22. P. Ariste, Traicté des consuls de la nation françoise aux pays estrangers, 1667 (Paris, BNF, ms. fr.,
18595, p. 162). Roland Mousnier qualifie les offices pour lesquels le roi a concédé à des tiers la capacité de
les pourvoir, d'« offices à la disposition des sujets du roi » qu'il envisage comme une catégorie spécifique,
voir R. Mousnier, La vénalité des offices sous Henri IV et Louis XIII, Paris, PUF, 1971, p. 309-335.
23. C. Loyseau, Cinq livres du droict des offices (éd. Paris, Abel L'Angelier, 1610, p. 15).
24. C. Loyseau, Cinq livres du droict des offices : « Quelque office, grand ou petit que ce fust, ne
pourroit estre conféré par autre que par le roy » (éd. cit., p. 32).
25. Règlement du roy qui conserve à M. Colbert, contrôleur général des finances, le détail et le soin
qu'il avait déjà pour la marine, les galères, le commerce, etc., 11  mai  1667 (éd.  P.  Clément, Lettres,
instructions et mémoires de Colbert, op. cit., t. III, p. 92).
26. F. Olivier-Martin, « La nomination aux offices royaux au XVIe siècle d'après les registres
de la chancellerie », Mélanges Paul Fournier, Paris, Sirey, 1929, p. 487-501 ; C. Lefebvre, « Les juristes
du Moyen Âge et la vénalité des charges », Miscellanea historica in honorem Leonis van der Essen,
Bruxelles-Paris, Éditions universitaires, 1947, p. 273-285.
27. G. Poumarède, « Naissance d'une institution royale : les consuls de la nation française en
Levant et en Barbarie... », loc. cit., p. 77-78.
28. L'exemple est cité par R. Mousnier, Les institutions de la France sous la monarchie absolue
(1598-1789), Paris, PUF, 2005, p. 612.

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