Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - Tome 38 - Les échelles du Levant et de Barbarie - 180

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LES ÉCHELLES DU LEVANT ET DE BARBARIE

négociations complexes. Les négociants revendiquent alors la liberté de recourir
aux services des drogmans du consulat, pour les assister dans leurs affaires commerciales209. L'article  17 du règlement promulgué par l'inspecteur des échelles
d'Ortières le 8  octobre  1687 dispose cependant que « tous les drogmans seront
sous les ordres des consuls, mais dans les eschelles où la nation a les siens, les marchands pourront s'en servir pour leurs affaires particulières en avertissant les
consuls du besoin qu'ils en ont »210. En 1700, des députés du corps de la nation se
plaignent à la Chambre de commerce de Marseille des refus répétés du consul de
Larnaca de leur accorder le ministère d'un drogman211. Le comte de P
- ontchartrain,
saisi par la Chambre, écrit alors aux échevins de Marseille pour livrer son interprétation du règlement de 1687. Il précise que le consul est « obligé de l'envoyer où ses
fonctions peuvent être nécessaires pour le bien du commerce de la nation »212.
Dans un second règlement de 1706 applicable à l'échelle de Chypre, l'inspecteur
Gastines consacre cette solution, en imposant aux consuls d'accorder aux négociants les interprètes qu'ils demanderont, sauf raison impérative213. L'ordonnance
de 1781 s'avère plus laconique, en défendant simplement aux drogmans de s'immiscer dans les affaires des marchands, sans que ces derniers aient préalablement
requis leur ministère et obtenu l'autorisation du consul214.
336.  En 1712, le comte de Pontchartrain demande aux consuls de veiller à
supprimer toute dépense superflue, notamment en matière de personnel215. À partir de cette date, les drogmans assument parfois le rôle d'huissiers du consulat. Ils
transmettent notamment aux marchands les assignations, les significations et les
convocations à l'assemblée du corps de la nation216. Considérant cette fonction
indigne, le marquis de Bonnac, alors ambassadeur à la Porte, expédie le 20 juillet 1723 des instructions aux consuls pour leur enjoindre de déléguer ces tâches à
de simples domestiques217. Après la fusion des fonctions d'interprète et de chancelier en 1776, l'article  8 de l'édit du mois de juin  1778 confie de nouveau aux
-drogmans la charge d'huissier218.
209. Mémoire concernant l'eschelle de Smyrne, 20 mai 1688 (Paris, AN, AE, BIII 235, pièce 18, fol. 1).
210. Règlement fait par Monsieur d'Ortières, envoyé de sa majesté pour la visite des échelles du
Levant, 8 octobre 1687, art. 16 (Marseille, ACCIM, J 1573, fol. 2v).
211. Lettre d'Alexandre Grégoire, député de la nation à Larnaca, aux députés de la Chambre de
commerce de Marseille, septembre 1700 (éd. A. Pouradier Duteil-Loizidou, Consulat de France à
Larnaca..., op. cit., t. III, p. 76-77).
212. Lettre de Pontchartrain aux députés de la Chambre de commerce de Marseille, 10 novembre
1700 (éd. A. Pouradier Duteil-Loizidou, Consulat de France à Larnaca..., op. cit., t. III, p. 85-86).
213. Règlement [de Gastines] pour l'échelle de Chipres, 9  décembre  1706, art.  3 (Marseille,
ACCIM, J 1575, p. 198).
214. Ordonnance concernant les consulats, la résidence, le commerce et la navigation des sujets du
roi, dans les échelles du Levant et de Barbarie, 3 mars 1781, titre I, art. 89 (éd. cit., p. 96). À la veille de
la Révolution, cette disposition est notamment rappelée par C.  de Peyssonnel, Examen du livre
intitulé Considérations sur la guerre actuelle des Turcs, par Monsieur de Volney (éd. cit., p. 228).
215. Lettre de Pontchartrain à Arnould, 17 février 1712 (Marseille, ACCIM, J 1575, p. 194).
216. 
La liste précise des attributions des huissiers - aussi nommés « 
zagues 
» ou
« chaoux »  - est contenue dans l'Instruction pour le zague ou huisier de la nation que j'ay étably dans
l'eschelle de Chipres, 8 décembre 1706 (Marseille, ACCIM, J 1575).
217. Ces instructions sont lues devant le corps de la nation et rapportées dans le Procès-verbal de
l'assemblée de la nation à La Canée, 11 août 1723 (Nantes, CADN, 328 PO, série 1, 190).
218. Édit portant règlement sur les fonctions judiciaires et de police qu'exercent les consuls de
France en pays étrangers, juin 1778, art. 8 (éd. F.‑A. Isambert, Decrusy, A.-H. Taillandier, Recueil
général des anciennes lois françaises..., op. cit., t. XXV, p. 335). Cette disposition est renouvelée par
l'Ordonnance concernant les consulats, la résidence, le commerce et la navigation des sujets du roi, dans
les échelles du Levant et de Barbarie, 3 mars 1781, titre I, art. 111 (éd. cit., p. 101).

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