Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - Tome 38 - Les échelles du Levant et de Barbarie - 208

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LES ÉCHELLES DU LEVANT ET DE BARBARIE

paix, il n'est en effet pas nécessaire que les simples particuliers soient porteurs
de passeports pour quitter le royaume3.
388.  Avant d'appareiller pour les échelles, les capitaines des vaisseaux français doivent également obtenir un congé, c'est-à-dire « une espèce de passeport,
ou permission de naviguer, que le maître d'un navire est obligé de prendre, lorsqu'il
désire sortir du port »4, ainsi que le définit Savary des Bruslons. À partir de 1681,
l'ordonnance sur la marine leur défend en effet de prendre la mer sans avoir
obtenu un congé délivré par l'amirauté, sous peine de confiscation du navire5.
L'ordonnance leur impose par ailleurs de déclarer, lors de la délivrance et à la
remise du congé, la cargaison du vaisseau au départ et au retour dans le port,
l'itinéraire précis qu'ils ont suivi, et tous les incidents survenus à bord pendant le
voyage6. Les congés comportent également une durée de validité de deux ans,
obligeant les gens de mer à revenir régulièrement dans le royaume pour en obtenir
le renouvellement et ainsi éviter la désertion inhérente à de trop longs voyages7.
389.  Dans les échelles, certains consuls du Levant développent la pratique de
délivrer des congés - servant aussi à « reconnoître pirates et forbans »8 - à des
capitaines de vaisseaux ottomans, leur permettant ainsi de naviguer sous pavillon
français pour le compte d'étrangers9. Afin d'éviter toute fraude, une ordonnance
du 22 décembre 1686 interdit formellement aux consuls d'octroyer des congés ou
des passeports10. Une exception est néanmoins aménagée par le règlement de
l'inspecteur Xavier d'Ortières du 8 octobre 1687 : les consuls sont autorisés à délivrer de tels actes aux Français ayant acheté des navires ottomans, pour qu'ils
puissent les conduire dans le royaume et ainsi contribuer à l'augmentation du
volume de la flotte française11. Un dispositif similaire aux congés est également
mis en place pour les marchands, les artisans et les domestiques allant s'établir
aux échelles. La législation royale leur impose en effet d'obtenir des certificats de
résidence, auprès de la Chambre de commerce de Marseille.
et retourner librement et seurement, avec son vaisseau et équipage, sans permettre qu'il lui soit fait ou
donné aucun destourbier [sic] ou empeschement, ains tout aides, secours et assistance dont il aura
besoin » (Paris, AN, Mar., B7 49, fol. 51).
3. Cette liberté est notamment relevée par J. Savary des Bruslons, v° Passeport, Dictionnaire
universel de commerce (éd. cit., t. II, col. 996).
4. J. Savary des Bruslons, v° Congé, Dictionnaire universel de commerce (éd. cit., t. I, col. 1446).
5. Ordonnance de la marine, août 1681, livre I, titre X, art. 1 (éd. cit., p. 53-54).
6. Ordonnance de la marine, août 1681, livre I, titre X, art. 3 et 5 (éd. cit., p. 54-55).
7. Ce risque est notamment évoqué par B. de Saint-Gervais, Mémoires historiques qui concernent
le gouvernement de l'ancien et du nouveau royaume de Tunis, avec des réflexions sur la conduite d'un
consul et un détail du commerce : « Rien ne me paroît plus conforme au bon ordre que d'astraindre les
capitaines à reparoitre en France au bout de deux ans. On les rend par là plus réglés, plus attachés à
l'État, dont l'amour s'affoiblit par une trop longue absence, et l'on conserve des matelots toujours prêt
dans le besoin qui, sans la sévérité de ces ordres, se dissiperoient dans l'Archipel, et seroient perdus
pour l'État » (éd. cit., p. 314-316).
8. C. Fleury, Droit public de France (éd. cit., t. I, p. 260).
9. Cette pratique est évoquée dans les motifs de l'Ordonnance portant deffenses aux consuls de
Levant, de la côte de Barbarie et tous autres de donner aucuns congez ny passeports à peine de punition,
22 décembre 1686 (éd. Paris, Imprimerie royale, 1686, p. 1 [Paris, AN, AE, BIII 192, pièce 8]).
10. Ordonnance portant deffenses aux consuls de Levant, de la côte de Barbarie et tous autres de
donner aucuns congez ny passeports à peine de punition, 22 décembre 1686 (éd. cit., p. 2). Ces dispositions
sont renouvelées par le Règlement pour les propriétaires de vaisseaux, barques et autres bastiments de
mer et pour les consuls françois establis dans les pays estrangers, 1er mars 1716, art. 10 (éd. cit., p. 10).
11. Règlement fait par Monsieur d'Ortières, envoyé de sa majesté pour la visite des échelles du
Levant, 8 octobre 1687, art. 1er (Marseille, ACCIM, J 1573, fol. 1).

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