Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - Tome 38 - Les échelles du Levant et de Barbarie - 219

La réduction quantitative des opérateurs économiques

207

413.  Quelques mois plus tard, le comte de Maurepas découvre par ailleurs
que la Chambre de commerce de Marseille n'a pas pris en compte ses directives et
continue de délivrer de nombreux certificats de résidence, y compris à des « gens
sans aveu »76. Il demande alors à l'ambassadeur à la Porte de renvoyer dans le
royaume tous les vagabonds arrivés récemment dans les échelles. En 1740, persuadés de l'imminence d'un revirement de la politique royale, les commissionnaires,
dont les certificats sont sur le point d'expirer, répugnent toujours à préparer leur
retour dans le royaume et continuent de développer leurs affaires77. Après avoir
répété que le roi ne délivrerait aucune dérogation et menacé d'interdire à tous les
contrevenants d'exercer le commerce levantin78, le secrétaire d'État confronté à
une insubordination généralisée est finalement contraint de transiger avec la
Chambre de commerce de Marseille pour réussir à imposer son projet de fixation
du nombre des maisons.
II. LA FIXATION DU NOMBRE DES MAISONS
DE COMMERCE
414.  À la demande des principaux négociants impliqués dans le commerce
ottoman, la Chambre de commerce présente, en 1740, au secrétaire d'État de longues remontrances qui exposent les nombreux inconvénients qui résulteraient de
la mise en œuvre immédiate du projet de 1735. Elle explique notamment qu'en
pratique, il serait impossible de maintenir le même volume d'exportations et d'importations, après le départ brutal de près des trois-quarts des commissionnaires
français79. De plus, l'application de ce projet mettrait en place un marché oligopolistique, puisqu'il livrerait « tout le commerce du Levant au seul pouvoir d'une
poignée de gens qui, par leurs mesures concertées, s'approprieroit ce commerce
exclusivement à tous les autres négocians »80. La Chambre conclut, non sans exagération, en affirmant que la réduction du nombre de maisons de commerce
entraînerait indirectement la destruction de plus de 100 000 emplois dans les provinces du sud du royaume81.
415.  Tenant compte de ces représentations, l'administration royale rédige, le
23 mars 1740, un troisième projet plus consensuel. Ce texte reprend le principe de
l'indexation du nombre de maisons de commerce sur le volume de marchandises
transitant dans chaque échelle, formulé par Pignon en 1733 : seule une maison doit
être maintenue par tranche de 100 000 piastres de biens circulant dans l'échelle82.
Le projet innove toutefois dans sa mise en œuvre : si le secrétaire d'État à la marine
fixe un quota de maisons par échelle, il concède cependant à la Chambre de commerce de Marseille le soin de sélectionner celles qui subsisteront83. En 1741,
Louis  XV proroge par ailleurs d'un an la durée de validité des certificats de
76. Lettre de Maurepas à la Chambre de commerce de Marseille, 3 juin 1739 (Marseille, ACCIM,
J 59, fol. 1-1v).
77. Lettre de Maurepas à la Chambre de commerce de Marseille, 15  février  1740 (Marseille,
ACCIM, J 59, fol. 1).
78. Lettre de Maurepas à la Chambre de commerce de Marseille, 15  février  1740 (Marseille,
ACCIM, J 59, fol. 1).
79. Mémoire des négocians de Marseille qui ont des maisons sur les échelles du Levant ou qui y font
le commerce, 29 mars 1740 (Marseille, ACCIM, J 59, fol. 2v-3).
80. Mémoire sur la réduction des maisons du Levant, 1740 (Marseille, ACCIM, J 59, fol. 2v).
81. Mémoire sur la réduction des maisons du Levant, 1740 (Marseille, ACCIM, J 59, fol. 2v-3).
82. Mémoire, 23 mars 1740 (Paris, AN, AE, BIII 238, pièce 39, fol. 2).
83. Mémoire, 23 mars 1740 (Paris, AN, AE, BIII 238, pièce 39, fol. 3).

978-2-275-08394-0__DOCFILE__corpus.indd 207

15/12/2020 11:56:55
Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - Tome 38 - Les échelles du Levant et de Barbarie

Table des matières de la publication Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - Tome 38 - Les échelles du Levant et de Barbarie
