Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - Tome 38 - Les échelles du Levant et de Barbarie - 227

Le développement de structures cartellaires

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que toutes ces familles aillent habiter un autre lieu que Marseille, dans lequel
nombre de la plupart des mariniers sont compris, en quoi le roi recevrait un
grandissime préjudice par l'armement de ses vaisseaux et galères, que quand la
compagnie serait formée, cinq ou six vaisseaux en chaque échelle feraient tout
le commerce, ce qui occuperait fort peu de mariniers, eu égard à la multitude
qu'il en faut à la quantité de vaisseaux, polacres et barques qui sortent tous les
jours de ce port. Si vous n'étiez à Paris, on députerait un corps de marchands
pour s'aller jeter aux pieds du roi. [...] Ce sont ces monopoles que ces compagnies odieuses à Dieu et au monde et, comme il n'y a rien qui ne doive être plus
libre que le négoce, il n'y a rien de plus affligeant que de le voir restraint entre
les mains de quelques particuliers11.
425.  La Chambre rassemble par ailleurs une somme de 500 pistoles qu'elle
distribue aux proches conseillers de Colbert afin de s'assurer de leur soutien
contre le projet de compagnie12. Après de longues négociations, Colbert estime
qu'un tel monopole risquerait de déséquilibrer l'économie du royaume, et rejette
en 1669 la demande des négociants lyonnais13. Une éphémère Compagnie du
Levant, dénuée de privilège exclusif, est finalement fondée en 1670 par une poignée de marchands marseillais et parisiens : ses résultats commerciaux se révèlent
néanmoins médiocres et elle fait rapidement faillite en 169014.
426.  À la suite de cette expérience malheureuse, d'aucuns attribuent l'échec
de la Compagnie du Levant à son absence de monopole. Jusqu'à la fin du
xviiie siècle, de nombreux projets sont alors formés pour rétablir la compagnie en
la dotant d'un privilège exclusif15. Un antagonisme irréconciliable est à l'œuvre
11. Lettre de la Chambre de commerce de Marseille, 28 juillet 1665 (éd. P. Masson, Histoire du
commerce français dans le Levant au XVIIe siècle, op. cit., p. 181).
12. P. Masson, Histoire du commerce français dans le Levant au XVIIe siècle, op. cit., p. 181.
13. Mémoire pour expliquer ce que le roi peut faire, au lieu de l'exclusion demandée par le préposé
de la compagnie à former, pour le commerce du levant, 1669 (Paris, AN, Mar., B7 489, fol. 218).
14. Pour une étude plus approfondie sur cette compagnie, voir V.  Simon, « Les compagnies
privilégiées pour le commerce maritime avec l'Empire ottoman », loc. cit., p. 387-402.
15. Response de M. Le Bret à l'agenda qui luy a esté remis par M. de Pontchartrain, 1696 :
« [Augmenter le commerce du Levant] ne se peut exécuter sans faire des compagnies du Levant
comme font les Anglois et Holandois » (Paris, AN AE, BIII 235, pièce 62, fol. 1) ; Mémoire touchant
le commerce du Levant, octobre 1698 : « On ne sçauroit trouver un meilleur moyen plus aisé et plus
naturel pour faire cesser tous les maux que le comerce des François soufre en Levant que de faire ce
négoce en compagnie affin que tout passe par un seul canal » (Paris, AN, AE, BIII 235, pièce 79,
fol. 14v) ; Mémoire particulier sur le commerce général des eschelles du Levant, 5 juin 1707 : « On
avoit cy-devant proposé au Conseil du roy de faire faire tout le comerce du Levant par une seulle
compagnie de gens bien choisis, de la même manière que les Anglois et les Hollandois font faire chez
eux le comerce des Indes, d'Affrique, de Moscovie et autres endroits » (Paris, AN, AE, BIII  236,
pièce 92, fol. 1v) ; Mémoire sur les moyens pour ampêcher la sortie de l'argent du royaume qui se fait
par le port de Marseille pour le commerce du Levant, 1709 : « On ne peut remédier à tous les deffaut
de ce commerce, ni le soustenir avec succez, que par l'establissement d'une compaignie généralle qui
sera très avantageuze aux intérest du roy et du commerce » (Paris, AN, AE, BIII 236, pièce 2, fol. 9) ;
Mémoire sur la fabrique et le commerce des draps en Levant, 2 août 1735 : « La compagnie qu'on
propose d'établir pour le commerce des draps qu'on fabrique en Languedoc pour le Levant, aura le
privilège de vendre des draps en Levant exclusivement à tous autres » (Paris, BNF, ms. fr., 11 790,
p. 329) ; Rapport fait au Bureau du commerce par M. de Montaran, 1753 : « M. Desalleurs conclut
que le commerce de ces deux échelles [Constantinople et Smyrne] ne se fera avec avantage que
quand les intérests des négocians seront communs et que les uns et les autres ne formeront qu'une
même société qui se gouvernera par des loix uniformes » (Paris, AN, AE, BIII 190, p. 353) ; Pièces
présentées à la Chambre au sujet d'un projet de faire le commerce du Levant exclusivement,
17 janvier 1754 : « Ces 4 principaux négociants proposent de supprimer toutes les maisons établies

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