Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - Tome 38 - Les échelles du Levant et de Barbarie - 238

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LES ÉCHELLES DU LEVANT ET DE BARBARIE

t-outefois de vives critiques, de la part des milieux d'affaires marseillais, qui
entraînent l'abandon des arrangements en 1756 (III).
I. LES CAUSES CONJONCTURELLES DES ARRANGEMENTS
449.  À la fin du xviie siècle, le marquis de Seignelay qui succède à son père
au secrétariat d'État à la marine, se prononce en faveur d'un dirigisme commercial accru. Il critique notamment la féroce concurrence à laquelle se livrent les
commissionnaires français, entraînant une baisse globale du prix des biens d'exportation, préjudiciable au commerce86. Pour remédier à cette situation, le ministre
propose d'imposer aux marchands de vendre et d'acheter leurs marchandises de
concert, grâce aux pouvoirs de police des consuls87.
450.  Sur les instructions de Seignelay, l'inspecteur Xavier d'Ortières
- romulgue en 1687, lors de sa visite des échelles, un règlement qui défend aux
p
particuliers d'exercer aucun commerce à titre individuel. Il impose ainsi aux marchands d'acheter et de vendre leurs marchandises en commun, par l'intermédiaire
du corps de la nation et sous la direction du consul, à un prix fixé par l'assemblée88. Les contrevenants s'exposent au renvoi dans le royaume et à une sanction
pécuniaire de 500 piastres. Estimant qu'il revient seulement au roi d'imposer « la
discipline dont les règles doivent estre puisées dans la connoissance du véritable
intérest de l'Estat et par comparaison des partyes les unes avec les autres »89, l'intendant du commerce du Levant abroge toutefois ces dispositions, en vertu de son
pouvoir hiérarchique90.
451.  En 1720, la retentissante banqueroute de Law91 marque un retour à la
politique mercantiliste et au dirigisme commercial92. À Marseille, une crise sans
précédent éclate par ailleurs en 1729 : au seul mois d'août, trente-sept maisons de
86. Lettre du marquis de Seignelay à de Morant, 24 novembre 1686 : « Sa majesté, voulant [...]
obliger les commissionnaires et marchands qui résident dans les eschelles, et tous ses autres sujets qui
y font commerce, à la police et à la discipline qui sont nécessaires, m'a ordonné de vous escrire sur le
désordre qu'entretient dans la plupart desdites eschelles la mésintelligence desdits commissionnaires
et marchands, lesquels, acheptant à l'envy les uns des autres, donnent occasion aux Turcs de leur
vendre les marchandises trop cher ; en sorte que les marchands des autres nations qui agissent avec
plus de concert, ont les marchandises à meilleur marché et ont par ce moyen la préférence du débit en
Europe. Ils ruinent encore leur commerce des marchandises qu'ils reçoivent de France faute de se
concerter pour les vendre sur un mesme pied » (éd. G. B. Depping, Correspondance administrative...,
op. cit., t. III, p. 634).
87. Lettre du marquis de Seignelay à de Morant, 24 novembre 1686 : « Je crois qu'après avoir fait
advertir lesdits marchands qui sont en petit nombre, par le consul, de se contenir dans le concert qui
est nécessaire pour leur avantage, et leur avoir déclaré que l'intention de sa majesté est que les
contrevenans soient chastiez, on pourroit obliger ceux qui tomberont en faute à revenir en France,
afin d'y rendre compte de leurs actions » (éd. cit., t. III, p. 635).
88. Règlement fait par Monsieur d'Ortières, envoyé de sa majesté pour la visite des échelles du
Levant, 8 octobre 1687, art. 6-7 (Marseille, ACCIM, J 1573, fol. 1v).
89. Mémoire pour donner une idée de l'estat présent des François en Levant, 1695 (Paris, AN, AE,
BIII 235, pièce 53, fol. 4).
90. Mémoire pour donner une idée de l'estat présent des François en Levant, 1695 (Paris, AN, AE,
BIII 235, pièce 53, fol. 4).
91. À propos du système de Law et de sa banqueroute, voir E. Faure, La banqueroute de Law :
17 juillet 1720, Paris, Gallimard, 1977. Voir également la biographie de John Law par A. E. Murphy,
John Law, économiste et homme d'État, Bruxelles, Peter Lang, 2007.
92. J.  Brasseul, Histoire des faits économiques, Paris, Armand Collin, 2003, t.  I, p.  274-276 ;
J. Imbert et H. Legohérel, Histoire de la vie économique ancienne, médiévale et moderne, Paris, Cujas,
2004, p. 507 et s.

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