Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - Tome 38 - Les échelles du Levant et de Barbarie - 239

Le développement de structures cartellaires

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commerce impliquées dans le négoce franco-ottoman font faillite93. La crise
trouve son origine dans une surproduction de drap - principale marchandise
d'exportation  - par les manufactures languedociennes, ce qui entraîne une saturation des marchés levantins et un effondrement brutal des prix94. L'ambassadeur
à la Porte, Louis-Sauveur de Villeneuve, impute toutefois ce désastre à « ce phantome qu'on apelle la liberté du commerce et que Monsieur de Bonnac95 croyoit
mériter à plus juste titre le nom de désordre »96.
452.  De sa propre initiative, le marquis de Villeneuve convoque l'assemblée du
corps de la nation à Constantinople afin de proposer des expédients à la crise. Il est
alors délibéré de fixer des prix minimums de vente pour les balles de drap suivant
leur qualité, après un examen des stocks par les députés et les censaux locaux, chargés de servir d'intermédiaires entre les marchands français et les grossistes turcs97.
La Chambre de commerce de Marseille critique immédiatement cette résolution,
accusant les censaux de partialité dans l'estimation des prix, au bénéfice des marchands ottomans98. L'ambassadeur ne se limite toutefois pas à fixer les prix de certaines marchandises. Il enjoint aux commissionnaires de s'assembler pour former
de véritables sociétés anonymes, sur le modèle des pratiques antérieures99.
II. LA REPRISE DES SOCIÉTÉS ANONYMES
PAR L'ADMINISTRATION ROYALE
453.  Après avoir obtenu la fixation du prix des draps, le marquis de
- illeneuve relève une situation analogue : à Constantinople, où les commettants
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marseillais exportent du sucre de canne produit en Martinique, les stocks des
commissionnaires sont surchargés de cette denrée100. Le 29 avril 1729, il convoque
l'assemblée du corps de la nation et y fait adopter un règlement sur la vente des
cassonades. Ce règlement ne se limite toutefois pas à une simple fixation des prix :
il prévoit au contraire la création d'une société anonyme rassemblant tous les
marchands du lieu et chargée de vendre en commun cette marchandise, jusqu'à
l'entier écoulement des stocks101.
454.  Les associés renoncent tout d'abord à vendre tout ou partie de leurs
stocks de sucre en dehors de la société, sous peine de 500 piastres d'amende102.
93. P. Masson, Histoire du commerce français dans le Levant au XVIIIe siècle, op. cit., p. 15.
94. Entre 1720 et  1729, la production de drap connaît une croissance importante, passant de
20 000 à 70 000 pièces annuelles. Au sujet de cette crise, voir J.-M. Minovez, La Puissance du Midi.
Drapiers et draperies de Colbert à la Révolution, Rennes, PUR, 2012, p. 115-119.
95. Ambassadeur de France à Constantinople entre 1716 et 1724.
96. Mémoire du marquis de Villeneufve, ambassadeur du roy à Constantinople, concernant le
commerce, s. d. (Paris, BNF, ms. fr., 7194, fol. 220v). Bien qu'il soit impossible de dater précisément ce
mémoire, on peut estimer qu'il a été rédigé au cours de la mission du marquis de Villeneuve entre
1728 et 1741.
97. Rapport fait au Bureau du commerce par M. de Montaran, 1753 (Paris, AN, AE, BIII 190, p. 50).
98. Rapport fait au Bureau du commerce par M. de Montaran, 1753 (Paris, AN, AE, BIII  190,
p. 50-51).
99. Les sociétés anonymes d'Ancien Régime sont notamment caractérisées par leur caractère
occulte et leur finalité monopolistique. Sur ces pratiques, cf. supra, n° 254-259.
100. Lettre de Villeneuve, 1er mai 1729 (Paris, AN, AE, BI 399, fol. 1).
101. Sur l'emploi de ces sociétés dans le cadre des arrangements, voir V. Simon, « Le rôle des
sociétés anonymes d'Ancien Régime... », loc. cit., p. 46-54.
102. Procès-verbal de l'assemblée de la nation à Constantinople, 29 avril 1729, art. 12 (Paris, AN,
AE, BI 399).

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